Tourné en 1967 et sorti en mai 68, "Le viol du vampire" est le premier film de Jean Rollin. Seul film disponible en salles pendant les émeutes étudiantes, les gens se ruent dans les cinémas pour aller le voir. A la surprise générale, un immense scandale s'ensuit. Les spectateurs arrachent les sièges, lancent tout ce qui leur tombe sous la main sur l'écran, cherchent Rollin pour aller lui casser la gueule. Nous allons tenter d'expliquer pourquoi le film a provoqué un tel raz-de-marée.
Composé de deux actes, ce "mélodrame" (d'après le générique) surprend d'abord par sa narration atypique. Les deux parties n'ont aucun rapport entre elles et l'histoire est difficile à saisir (plusieurs visionnages nécessaires). Ajoutez à cela une faible quantité de dialogues, qui n'aide en rien la compréhension du scénario. C'est d'ailleurs, selon Rollin, l'une des raisons du scandale. Ce qui frappe également dès la première partie, c'est l'esthétique qui rappelle certains films de la Hammer, mais en plus bizarre.
Le plus gros point noir de l'oeuvre est sans aucun doute son aspect technique. Le montage est, disons-le franchement, complètement raté, au point que les journalistes du Figaro ont cru à une farce d'étudiants en médecine ivres morts. Les acteurs jouent de façon beaucoup trop théâtrale, sans aucun naturel. Tout cela peut s'expliquer par le budget microscopique accordé par Jean Lavie et Sam Selsky, qui ont également exigé un quota de femmes nues, ce qui renforce l'esthétique éthérée du film.
Cela dit, "Le viol du vampire" reste un film intéressant qui fait figure de bras d'honneur au "nouveau genre" qui se développait alors dans les salles. Nihiliste, barré, atypique, expérimental, le premier long-métrage de Jean Rollin avait des raisons de provoquer du ramdam. Tellement de ramdam qu'il songera un temps à arrêter définitivement le cinéma. Heureusement que l'an suivant, en 1969, Jean Lavie et Sam Selsky se sont refaits et lui proposeront de réaliser "La vampire nue".