Quand on regarde certains films actuels, lisses et d’une propreté technique assez ennuyeuse ou tape à l’œil et d’un vide abyssal, on se met à regretter ce temps où le cinéma, digne héritier de la littérature, savait encore donner vie à un scénario ambitieux. Le vol du Phoenix fait partie de ces films qui n’ont pris de rides que pour ceux qui accordent une importance démesurée aux images de synthèse (vous savez, là où il y a parfois des petits bonhommes bleus -mais non, pas des schtroumpfs !).
Un décor minimal, fait de sable et de vieilles tôles, recrée un microcosme où on suit avec curiosité une faune humaine étonnante, comme s’ils étaient sous une sphère transparente. Pendant plus de deux heures, on sera tenu en haleine par toutes les possibilités qu’offrent les réactions humaines devant une mort annoncée.
Un avion tombe en plein désert et, après une période de sidération, il faut faire face : soit attendre tranquillement des secours improbables puisque l’avion a dévié de sa route, autrement dit, attendre la mort, soit essayer de s’en sortir. Chacun suivant ses compétences et ses possibilités essaie en fait d’agir car l’homme est ainsi fait : un médecin porte assistance aux blessés, un ouvrier confectionne une sorte de foyer, un militaire organise une expédition… Le casting incroyable permet à chaque personnage de prendre vie sous nos yeux ; jamais caricaturaux, ils évoluent au gré des réserves d’eau qui diminuent et de l’espoir qui semble s’enfuir. La caméra a simplement l’intelligence – et la grande maîtrise technique - de se faire oublier tout en servant un seul maître : l’histoire de ses hommes.
L’espoir est le vrai sujet du film : l’espoir d’arriver à s’en sortir, si fragile que le pilote se sentant responsable de ses passagers morts le perd d’emblée. Pour certains, ce sera trouver une oasis, pour d’autres, rapporter le plus mignon petit singe qui soit (et qui, plusieurs fois, vole la vedette aux hommes), pour d’autres, se sera trouver de l’aide auprès de bédouins ou retrouver ses proches (quand le blessé grave perd l’espoir de revoir sa femme, il meurt, comme tous ceux qui se tromperont d’espoir). L’espoir le plus fou sera apporté par un être froid et d’abord en retrait : un ingénieur qui révèle être capable de reconstruire un avion. Le conflit entre ce scientifique en apparence dénué d’affects et le pilote sanguin, obéissant à ses sentiments et en perte d’espoir est un très beau fil conducteur dans le film. Les deux pôles psychologiques sont brillamment illustrés : la raison qui bâtit et le cœur qui agit, les deux étant bien conscients des faiblesses de l’autre. Et le salut ne pourra venir que de la confiance de l’un envers l’autre.
Ils baptisent l'avion qu'ils construisent "Phénix"... cet oiseau fabuleux allégorie de la résurrection de l'âme...
Un huis clos en plein désert et en plein soleil digne des meilleurs films de Lumet que je remercie mon éclaireur JeanG55 de m’avoir fait découvrir !