Pour rendre mon hommage à Jean-Paul Belmondo, acteur dont j'ai toujours été fan, je me suis retrouvé dans la même situation que pour Kirk Douglas, à savoir que j'avais déjà chroniqué plusieurs de ses films, du Cerveau à Borsalino, du Casse à Peur sur la ville (mon préféré), en passant par les Mariés de l'an II, le Magnifique, l'Alpagueur ou encore Flic ou voyou et le Professionnel, voire même des films que j'apprécie moins comme l'Héritier et Stavisky... bref que me restait-il ? pas grand chose, mais j'optai pour le Voleur, film moins connu que j'ai eu l'occasion de revoir.
Il s'agit d'une adaptation assez réussie du roman éponyme de Georges Darien, auteur méconnu de la fin du XIXème siècle, plutôt violemment anti-bourgeois. Le film n'eut que peu de succès à sa sortie car il ne fut pas compris par la presse qui a conditionné le public. C'est dommage parce qu'après des films comme L'Homme de Rio, Cent mille dollars au soleil, Week end à Zuydcoote et les Tribulations d'un Chinois en Chine, Belmondo y trouvait un bon rôle à contre-emploi. Il incarne Randal, un bourgeois déclassé, dépouillé de son héritage, qui par défi et obligation, se met à voler, puis continue par goût.
Le plus intéressant c'est qu'il n'a pas l'allure du vulgaire voleur de bas-étage, rude, mal fagoté et parlant un sabir des rues, mais celle d'un voleur au maintien bourgeois, bien costumé en chapeau melon, gants blancs et petite moustache élégante. Lorsqu'il évolue dans les salons parisiens en compagnie de belles femmes, on le prendrait pour un homme de la bonne société. Il ressemble comme 2 gouttes d'eau à Arsène Lupin, voleur élégant et raffiné de la même époque, à la différence que Lupin effectue ses larcins de façon propre, alors que Randal n'hésite pas à fracasser les vitrines d'objets précieux et à casser les secrétaires qui lui résistent. Comme il le dit : je fais un sale métier, j'ai une excuse, je le fais salement. En cela, il est donc l'anti-thèse de Lupin.
Louis Malle a gommé les motivations sociales et politiques du héros pour privilégier la reconstitution méticuleuse, ce qui lui enlève un peu de consistance, il y a un petit manque d'enjeu, mais ceci est très relatif, car en effet, si la reconstitution d'époque 1900 est soignée, et si l'atmosphère de la société est bien rendue, les personnages amuseront plus qu'ils ne sauraient choquer aujourd'hui, l'effet ayant été sans doute plus percutant en 1967, notamment avec le curé dévoyé incarné par Julien Guiomar et l'anarchiste incarné par Charles Denner. Randal est d'une gravité, d'une sobriété étonnante, cynique, précis dans ses actes, c'est un hors-la-loi classieux parfaitement interprété par Belmondo qui marque par sa désinvolture son dégoût de la société.
Le roman dénonçait l'absurdité d'une société cupide qui ne pensait qu'à l'argent, et il semble que Louis Malle ait réussi à retranscrire cette dénonciation des valeurs bourgeoises avec une ironie mordante, ainsi que les différences de classes ; pas étonnant que les mouvements anarchistes se soient multipliés à cette époque. Les rôles féminins sont formidables, que ce soit Marie Dubois, Geneviève Bujold (que Belmondo retrouvera plus tard dans L'Incorrigible) ou encore Françoise Fabian, Martine Sarcey et Marlène Jobert. Quant à Guiomar, vous savez ce que j'en pense, j'ai toujours admiré cet acteur, capable d'incarner des personnages troubles et véreux ; où qu'il soit, il est toujours remarquable.
Je réhabilite donc ce film que j'ai mieux apprécié en remontant ma note d'1 point.