« Le voleur de Bagdad » c’est du blockbuster d’époque : il fut tourné en 1924 mais avec ses décors vraiment et régulièrement magnifiques, impressionnants, d’immenses tailles, alors qu’on commence à s’ennuyer un peu : hop, un nouveau décor. Il y a bien sur des trucages – assez rares étonnamment – comme celui de la cape d’invisibilité (oui l’auteure d’Harry Potter s’en est sans doute inspirée) – ou l’apparition peu avant après des nuages de fumées de centaines de soldats. Et même le tapis volant vaut le coup d’œil. Rien ne paraît cheap, mis à part la mer sur lequel le voleur se trouve sur un bateau : on voit clairement que c’est pas du tout de l’eau.
Les décors servent bien sur et surtout au début pour les acrobaties du voleur espiègle : il faut créditer Douglas Fairbanks très souple, élastique, multipliant les acrobaties : c’est très inspirant. Mais l’acteur n’est pas seulement bon pour faire le mariole, il est aussi bon dans le drame. Car « Le voleur de Bagdad » aurait pu être totalement manichéen, mais il est plus complexe que cela : ainsi le voleur est humain, c’est lui-même culpabilisant
qui avoue à la princesse qu’il n’est pas un prince
. La princesse elle même n’est pas seulement la belle princesse ingénue, elle a beaucoup de caractère et refuse qu’on la force à se marier avec n’importe qui, ayant un sacré répondant notamment envers son père. Il n’y a qu’un seul vrai méchant qui est très méchant : c’est le prince des Mongols qui veut conquérir Bagdad, la princesse pour lui ce n’est qu’un bonus.
« Le voleur de Bagdad » est un divertissement assez innocent : il n’y a aucun mort (et ceux-ci même ressuscitent), ce qui arrive aux personnages n’est jamais vraiment grave et ils s’en sortent toujours. Mais il fait passer quelques messages comme le courage, comme le fait que lorsqu’on ment, on doit finir par dire la vérité et que pour notre honnêteté, on peut être pardonner. Et même si on a fait plein de choses mauvaises, on peut devenir une bonne personne, en se mettant à faire des choses biens. On est régulièrement émerveillés devant les décors, les quelques monstres (qui sont très bien faits d’ailleurs), une interprétation certes qui en fait des tonnes (on peut être agacer au début par le sourire ultra-bright de Douglas Fairbanks) mais c’est aussi le contexte qui veut cela.
Côté mise en scène : on peut reprocher à Raoul Walsh un manque de personnalité, il filme les aventures, les décors et tout cela, essentiellement en plan large (ce qui est une bonne chose) mais mise à part un ou deux travellings ne s’amuse pas beaucoup à jouer avec sa caméra. C’est une des rares choses que l’on peut regretter, l’essentiel de la mise en scène est en plans fixes mais assez courts ce qui est vraiment pas mal. Le montage est très rythmé, car il y a pas mal de choses à raconter et donc on ne doit pas perdre une seconde.
Pour résumer : on est contraints d’être impressionnés par la richesse des décors, des aventures, des quelques trucages, des nuances des personnages principaux. C’est un blockbuster remontant à près d'un siècle, qui par sa simplicité, son innocence aurait beaucoup de leçons à donner aux blockbusters de maintenant. Je trouve d’ailleurs que le côté sans fioritures rappelle les divertissements des années quatre-vingt-dix : des films qui nous font oublier tout nos soucis tout en nous donnant en plus du baume au cœur.