The eye.

Malgré le fait qu'il soit le film qui ait précipité la fin de la carrière de Michael Powell, Le voyeur est un très bon film sur la psyché d'un personnage dérangé.
On suit un jeune homme, joué par Karlheinz Böhm, qui se balade constamment avec sa petite caméra, et qui, on le voit dès l'intro dans une scène formidable, accoster une prostituée, qui va la tuer en la filmant. Le ton est donné dès les premières secondes, où cet homme est obsédé aussi bien par le meurtre des jeunes femmes que par l'image.
Dans le civil, il est opérateur pour le cinéma, et fait en douce des photos de charme pour un buraliste dont on voit un client les acheter en douce, mais avec l'air du garçon qui ne veut pas se faire prendre la main dans le pot de confiture !

La grande qualité du film est de placer constamment ce personnage, nommé Mark Lewis, dans l'immoralité ; du début à la fin, il ne sera pas sauvé, pas de rédemption, il a constamment sa petite caméra à l'épaule, et le fait de filmer ses victimes à l'agonie semble être sa seule jouissance.
On comprendra ce rapport morbide au voyeurisme par un trauma d'enfance, transmis en quelque sorte par son père (joué par Michael Powell lui-même), qui le filmait déjà, avec des choses sadiques en son encontre.

A sa sortie en Angleterre, le film fut considéré comme un scandale absolu, mêlant l'écoeurement au malsain, et il fut relégué dans les cinémas pornos ; alors que pas une seconde, on ne voit du sang, ni de propos coquins. C'est juste la psyché de cet être, joué brillamment par Carl Boehm, qui rend le film dérangeant.
Il ne pas oublier de parler aussi des actrices, Moira Shearer, Anna Massey, Maxine Audley, qui vont tenter non pas de le pousser à la faute, de le condamner, mais de le comprendre, les raisons de sa folie, pour essayer de l'en guérir.

Tout ceci en fait un film très intéressant, dont le propos a peut-être un peu vieilli aujourd'hui avec l'apparition des portables qui peuvent filmer, mais pour l'époque, Le voyeur peut être vu comme visionnaire, s'interrogeant déjà sur notre rapport à l'image.