Lorsque vient le moment de produire la énième suite d’une œuvre de plus de quarante ans (dont le tour a déjà été fait entre séquelles, remakes et préquelles), pour proposer un truc qui semble nouveau, les producteurs ont recours à l’origin story. Qui veut en connaître un peu plus sur l’enfance de Leatherface et « comprendre » comment il est devenu le tueur iconique d’un cinéma d’horreur extrême ? Personne, en effet, puisque le principe même d’une telle entité comme fonctionne en partie grâce à son mystère. En 1974, « The Texas Chainsaw Massacre » distillait suffisamment d’informations en arrière-plan pour tout saisir du monstre au visage en peau humaine. Mais, ce n’était sans doute pas assez clair, alors arrivé en 2017, Lionsgate nous gratifie d’une production sur l’enfance inintéressante de Leatherface.
Confié à deux metteurs en scène français surcotés, pour leurs œuvres de genres au cœur d’un cinéma français qui en propose peu/pas, « Leatherface » c’est de l’exploitation pure, faite pour de mauvaises raisons, par de mauvaises personnes, pour un résultat logiquement mauvais. Peu de choses sont à sauver dans ce qui ressemble à un naufrage autant artistique qu’éthique, tellement le film se moque de tout l’héritage de Tobe Hooper. Leatherface devient un personnage lambda, auquel des explications essayent d’être trouvées pour justifier son comportement. Par le biais d’un psychologisme à deux balles, venu extirper toute l’aura mystique d’une menace, qui fonctionne justement par le mysticisme qui s’en dégage.
À l’instar des deux volets qui le précèdent, mais aussi le troisième film, le scénario donne l’impression de ne pas avoir été prévu spécialement pour la franchise. Comme si l’univers développé autour de Leatherface lui aurait été accolé à la dernière minute. La nature générique des récits présentés, et surtout leur manque de contenu évident, s’avèrent des plus équivoques. C’est là aussi le constat d’une production horrifique américaine anémique qui n’a plus rien à proposer depuis tant d’années. Cette industrie se contente de pallier le vide en alignant des plans gratuits sans réelle cohésion, du gore et du sexe qui ne sont pas vraiment justifiés et encore moins justifiables. Cache-misère d’une production dont les instigateurs n’y connaissent visiblement pas grand-chose, voire rien du tout.
L’enfant Leatherface s’apparente davantage à un jeune garçon atteint de bipolarité, ou d’autisme, sauf que les scénaristes derrière cette conception semblent tout ignorer de ces conditions. Ils alignent donc des clichés oppressifs, joyeusement mis en scène, sans profondeur ni réflexion, par le duo toujours peu inspiré composé par Bustillo & Maury. C’est pourtant un peu le rôle des réalisateurs de faire corps avec leur propos. Cela appuie d’autant plus la nature méprisable d’un film qui n’existe pour aucune autre raison que capitaliser sur une saga déjà essorée. C’est pathétique.
Le tout se déroule au cœur d’une intrigue qui ne raconte rien et ne mène absolument nulle part. Le récit tourne en rond, puisque de toute façon la finalité de ce métrage est qu’à la fin le gamin devient Leatherface… Et la suite ? Ben du coup, c’est le « The Texas Chainsaw Massacre » de 1974, un chef-d’œuvre qui se suffit à lui-même. Le plus gênant reste que rien, de ce dernier, ne subsiste dans « Leatherface ». La folie froide et virulente de 1974 a disparu, laissant place à une esthétique générique, destinée de toute manière à façonner cette daube pour la rendre la plus accessible possible, et pour le plus grand nombre. Au détriment bien entendu de toute démarche un minimum authentique et honnête.
Lors de la séquence d’introduction, l’enfant appelé à devenir Leatherface se trouve autour d’une table, entouré d’autres enfants. L’un d’eux porte une casquette provenant d’un uniforme confédéré, qui permet d’ancrer Leatherface dans l’idée d’un folklore étatsunien, le faisant appartenir en quelque sorte au mythe de la nation. État sécessionniste durant la Guerre civile de 1860-1865, le Texas a conservé depuis une réputation d’état rebelle, une nature qui constituait tout l’arrière-plan de l’œuvre de Hooper en 1974. Ce vieux Sud profond, totalement décalé du reste de la nation, où la modernité va sans cesse de l’avant, du moins sur ses côtes Est et Ouest. Le message social et politique du film de Hooper se suffisait à lui-même, ne dépassant pas le contexte extérieur d’un récit bien défini, qui donnait force et texture à l’ensemble.
Si cette casquette confédérée permet d’ancrer un peu plus Leatherface dans ce Sud profond, en rupture avec le reste du pays, elle apparaît illusoire tellement la suite du métrage ne montre aucun effort pour cultiver un minimum ce trait. Une fois de plus, c’est de l’imagerie vide, sans réflexion réelle et vaine, jamais vraiment exploitée. En sa qualité d’entité pop, Leatherface est entré depuis bien longtemps dans l’histoire du pays, et ce rappel aux origines sudistes du personnage se révèle comme l’ensemble du métrage : visuellement riche, mais vide de sens.
Y’a rien à raconter, alors y’a du cul (et de la nécrophilie tant qu’à faire, histoire de choquer facilement le spectateur lambda). Parvenir à créer une ambiance dérangeante et une atmosphère malsaine qui se suffit à elle-même semble trop demandée, et visiblement trop complexe à élaborer pour les deux cinéastes derrière la caméra. Avec une bonne dose de gore crasse (bon, ça on va pas se plaindre), le film se révèle sans surprises, et peine à porter quoi que ce soit au cœur d’une intrigue qui ne capte jamais l’intérêt. Et Leatherface là-dedans, en plus d’apparaître totalement inexistant, est sacrifié sur l’autel du twist merdique… Car oui, il y a tromperie sur la marchandise, et ce, jusque dans les dernières minutes, par le déroulement d’un retournement de situation tout nul… Histoire de faire croire que le film avait en fait un intérêt caché derrière sa médiocrité… C’est raté !
-Stork._