San Diego is still classy
Il y a presque dix ans maintenant sortait Anchorman, premier du nom, le représentant définitif de la comédie US de l'homme crétin. Film-somme de l'apatowisme dans son versant régressif, Présentateur Vedette reste non seulement la collaboration la plus aboutie entre Will Ferrell et Adam McKay, mais aussi pour beaucoup le meilleur rôle comique de leur filmographie ciné. Une synergie de talents autour d'un quatuor principal en état de grâce où s'illustre plus que jamais le génie non seulement de Ferrell mais aussi du toujours impeccable Paul Rudd, du spécialiste des beaufs de service David Koechner et surtout de la folie lunaire de Steve Carell. La grande force d'Anchorman réside dans la caractérisation de ses personnages : machos arriérés assumés à la bêtise aussi crasse que l'intolérance maladroite, Ron Burgundy, Brian Fantana, Champ Kind et Brick Tamland sont tous les fruits d'une écriture parfaite d'où émerge une réplique hilarante à la seconde. Moins que pour son scénario somme toute assez classique, Anchorman témoignait plus que quiconque de ce quelque chose qui fait qu'à l'heure actuelle l'Amérique est encore LE mètre-étalon en termes de comédie.
Il y a deux Légendes Vivantes : celui ressenti par les fans du premier volet et celui des suiveurs lambdas. Les premiers passeront dans l'ensemble un excellent moment. Porté par une avalanche de personnages hauts en couleur, aussi criards que leurs costumes d'époque et leurs brushings boursouflés, Anchorman 2 retrouve immédiatement la folie du premier volet et l'exubérance de ses héros. Toujours aussi archaïque et incompétent, Ron Burgundy continue à délivrer son lot de répliques cultes, à l'image de ses trois compères, dont un Brick toujours au sommet, et toujours un ton dessus des autres, fussent-ils excellents. Ses face-à-face avec Chani (Kristen Wiig superbe, comme à son habitude) sont délectables, emmenant le film à un nouveau degré de n'importe quoi très rafraîchissant. Et la scène de sa réapparition pour faire sa propre oraison funèbre est un modèle de jeu comique, sur une situation d'une simplicité folle et à partir d'un texte quasi inexistant, où tout repose sur la performance d'acteur et la gestion du temps. Toutes les recettes à l'oeuvre dans Anchorman premier du nom sont encore d'actualité et le rire est toujours là, franc et généreux et le plaisir de retrouver nos quatre acolytes toujours intact. Et en soi c'est déjà très bien.
Sauf que.
Sauf que comme vous pouvez vous en douter, on ne peut s'empêcher de voir en Anchorman 2 un Anchorman bis. Son frère jumeau, en plus gros, plus ambitieux. Plus de guests, plus de gags (une demi-heure de plus que le premier volet), plus d'intrigue... mais un peu toujours la même chose. Et même si on rit énormément devant Légendes Vivantes, on ne rit pas aussi fort que devant le premier. Il manque à ce volet la fraîcheur, la surprise, peut-être aussi un peu d'audace. Beaucoup de passages du premier sont presque recopiés dans cet opus, dans une version bigger than big qui paradoxalement s'avère moins efficace. On pensera notamment au remake version blockbuster de la génialissime bataille des news teams, où Will Smith, Jim Carrey, John C. Reilly, Marion Cotillard, Tina Fey, Sacha Baron Cohen ou Amy Poehler ne parviennent pas à capter ce qui rendait la version avec Tim Robbins, Ben Stiller, Vince Vaughn ou Luke Wilson mythique. Moins hallucinante, moins sidérante malgré plus de moyens, cette séquence iconique est à l'image du film : une folie douce très maîtrisée, très drôle; infiniment supérieure à la moyenne de la production comique traditionnelle. Mais la claque du premier épisode n'est pas là. Anchorman 2 est un Anchorman sympathique, un bon film et une très bonne comédie. Mais ce n'est pas un chef-d'oeuvre comique à l'inverse de son prédécesseur. On s'en contentera néanmoins largement.