Après le très impressionnant thriller La Loi de Téhéran, Saeed Roustaee filme une fresque familiale rageuse dans la capitale iranienne. Quatre frères un peu pieds nickelés subissent de plein fouet la crise économique de leur pays et sont poussés par leur sœur Leila à se prendre en main et monter leur propre business, et tant pis si ce doit être au détriment de la fierté mal placée de leurs parents.
La mise en scène est tout aussi virtuose et ample que dans son précédent film, le réalisateur enchainant plans admirablement découpés et confrontations aux dialogues tranchants. S’appuyant sur sa technique remarquable, il fait monter la tension au cœur de la famille que les différences de point de vue d’une fratrie qui doit jongler entre honneur, paraître et réalité économique exacerbent. Il livre ainsi quelques scènes mémorables dont un mariage venant couronner le nouveau parrain digne de De Palma ou Coppola et un dénouement puissant.
Roustaee parvient également à croquer magistralement des personnages forts et hauts en couleur, à commencer par les quatre frères bien sûr, solidement écrits, très différents et en même temps complémentaires, mais surtout ce patriarche aux airs de vieux papy dépassé et prêt à tout, malgré son corps vacillant, pour obtenir la reconnaissance que sa famille lui a refusé toute sa vie en le dénigrant constamment, Saeed Poursamimi est époustouflant. Et enfin Leila, dont chaque expression trahit la frustration d’une ambition impossible à assouvir et la volonté d’exister sans avoir voix au chapitre. Chacun constitue une pièce de cette famille au bord de l’explosion, à l’image de son pays, meurtri par la misère, gangréné par la corruption et sclérosé par son conservatisme et le patriarcat.
Dans la lignée du très réussi La Loi de Téhéran, Saeed Roustaee livre un drame familial et social ambitieux, dense et cohérent. Seul bémol, les 2h39 ne se justifiaient sans doute pas.