À défaut d’être le plus référentiel, Les 101 Dalmatiens demeure malgré tout un Disney étant parvenu à marquer son territoire (premier et dernier calembour canin, promis) : comme d’’autres avant lui, le mariage entre innovation technique et empreinte visuelle originale (à l’échelle du studio) accouche d’un objet cinématographique on ne peut plus précieux, sans compter un potentiel nostalgique indéniable (en ce qui me concerne).
De prime abord, l’apport de la xérographie offre donc un rendu très réussi : soulignant de surcroît le savoir-faire d’un studio loin de se reposer sur ses lauriers, l’usage de ce procédé d’impression lui aura non seulement permis de composer avec un sacré défi d’animation (cela aurait fait tâche sinon… second et dernier calembour canin, promis), mais aussi de se distinguer d’un La Belle et le Clochard qui avait placé la barre très haut
Autre composante incontournable de sa production, la volonté de ne plus tendre vers le réalisme humain (au contraire du susnommé) lui assure un double gage d’unicité formelle : il en découle une signature plus cartoonesque, sans pour autant virer au grand-guignolesque, les divers protagonistes (qu’ils soient sur deux ou quatre pattes) versant dans un entre-deux réjouissant. En somme, on adhère sans sourciller et ce de bout en bout à son identité graphique, d’autant que celle-ci est loin de pâtir de l’absence de morceaux musicaux cultes (elle se suffit à elle-même).
Sur le fond à présent, cette adaptation du roman éponyme de Dodie Smith se sera autorisée quelques modifications notables : à ce titre, pourquoi ne pas avoir remodelé la vraisemblance (bancale) d’une telle épopée ? Très peu de chiots sont en ce sens identifiables au sein de la troupe tachetée, dont l’effectif ahurissant affuble sans conteste le film d’une étiquette « fermons les yeux ».
C’est dommage, car la paire fantasque Pongo/Roger fait des merveilles, tandis que celle (plus discrète) de Perdita/Anita joue les contrepoids sensés ; dans une veine plus burlesque, le tandem de malfrats mal dégourdis que sont Jasper et Horace apporte une touche comique des plus délectables au tout, parfaits sidekicks risibles d’une Cruella remarquable. Cette dernière campe pour sa part le rôle d’antagoniste phare de Les 101 Dalmatiens, son jusqu’au-boutisme « vilain-way » et sa stature iconique n’étant pas sans rappeler la mémorable Maléfique… si ce n’est que la fourrure-addicte ne s’encombre d’aucune ambivalence quant à ses aspirations.
Heureusement, on tient là un divertissement bien rythmé, sans réels temps morts, à même de « gommer » la linéarité des personnages, laquelle fait finalement sens ; les variations de tons, allant de l’urgence et ses dangers au bonheur des retrouvailles, font enfin état d’une écriture bien ficelée. La rencontre entre Pongo et Perdita, au risque de verser dans une notion de destinée inéluctable (et donc facile), constitue ainsi une excellente entrée en matière, tandis que la course-poursuite majeure s’avère aussi palpitante qu’imaginative.
Quand bien même il ne serait pas irréprochable, la faute à des rouages scénaristiques aux antipodes du crédible, Les 101 Dalmatiens dispose donc de sérieuses cordes à son arc pour convaincre : riche en séquences imprégnant l’esprit comme la rétine, sa brochette de protagonistes très attachants et ses péripéties prenantes lui confèrent un charme insensible au passage du temps.