Genre: Alan Smithee a encore frappé !
Présenté (à tort) comme la première équipe créée dans le monde des comics, les 4 fantastiques ont connu 3 adaptations cinématographiques toutes aussi catastrophiques les unes que les autres. Celle de 1995 n’était ni plus ni moins qu’un téléfilm nanardesque jamais sorti sur les grands écrans. Les deux volets de Tim Story faisaient la part belle à la crétinerie en créant un univers coloré où le Dr Doom et le Silver Surfer étaient massacrés sur l’autel du grand public à tout prix. Avant tout construit comme une sitcom, on y voyait un Ben Grimm en caoutchouc et un Fatalis de magazine de charme.
Et puis vint le fameux reboot tant attendu (ou pas) tellement il n’était que le fruit d’une conservation des droits des personnages par la Fox… Le studio propose alors le projet à un jeune réalisateur Josh Trank, créateur du film Chronicle, petit film indépendant qui avait marqué son monde par son originalité et une mise en scène originale de super pouvoirs avec peu de moyens. Chronicle est avant tout la chronique de la contamination de jeunes ados se retrouvant affublés de pouvoirs extraordinaires dont les conséquences seront multiples pour le meilleur mais surtout le pire. Métaphore des mutations lors de l’adolescence, le réalisateur livrait un film intimiste sur le sombre continent des jeunes adultes.
Alors que les 4 Fantastiques semble bien parti pour faire un four commercial sans précédent depuis l’avènement de Marvel Studios, il paraissait intéressant de faire un retour sur ce film tant décrié.
Ce nouveau reboot est à la fois un produit complètement formaté par les studios et en même temps assez original parmi les multiples adaptations de comics que l’on nous sert depuis dix ans. Si on le compare au dernier Ant Man (à la fois lisse et regorgeant de quelques idées bien senties), la construction du film de la Fox semble bien plus chaotique. Celui ci ne dure que 1h40 ce qui semble être une aberration dans le monde des blockbusters. La progression dramatique du film se fait lentement et place les éléments de son univers avec parcimonie. Centré sur Reed Richards (Miles Teller), Josh Trank nous plonge dans la nostalgie Amblin où un jeune surdoué, un peu autiste sur les bords tente de fabriquer une machine à téléporter la matière avec l’aide de son ami Ben Grimm (Jamie Bell). Il faut voir l’enseigne du garage Grimm pour se rappeler l’ambiance des Goonies ou d’ET dans la pure tradition des eighties.
Richards se fait par la suite repérer par le Dr Storm qui l’invite à construire cette même machine avec de plus grands moyens et l’aide de sa fille Sue Storm (Kate Mara), Johnny (Michael B.Jordan) du même nom et Victor Domashev (Toby Kebbell). On suit alors les relations et inimitiés au sein du groupe de jeunes adultes en particulier entre Victor et Reed. Puis vint l’accident où les compères vont utiliser la machine conduisant à des transformations inattendues…
On ne peut s’empêcher de voire les Fant4stiques comme une relecture de Chronicle avec plus de moyens à l’image de la proposition que l’on fait à Richards. A la fois parallèle entre sa vie de jeune réalisateur pactisant avec un gouvernement qui s’approprie sa création, Reed n’est ni plus ni moins que l’alter ego du réalisateur et semble le reflet des conflits qui ont émaillé le tournage avec la Fox.
Le réalisateur s’attache à une version bien plus intimiste et introvertie de l’univers du comics où l’essentiel de l’action se déroule dans un hangar grisâtre où chaque victime de l’accident est un cobaye au mieux exploité comme une arme au pire comme un monstre. On peut d’ailleurs y voir totalement un parallèle avec l’exploitation des mutants mise en avant par Bryan Singer. Ce reboot pendant les 3/4 du temps n’assume pas du tout son caractère de blockbuster explosif. Cela en fait un objet passionnant par moment où l’incarnation (original story) est réussie. Il suffit de voir les courtes séquences post accident où on voit un John Storm en feu, un Ben Grimm hurler ou la souffrance du corps élastique de Mr Fantastic pour en être convaincu. Cela détonne complètement avec les productions Marvel récentes où le corps est complètement absent tellement nos surhumains semble être des pixels avant tout. De la même façon, les choix de cadrage sur Kate Mara semblent être emprunts d’une certaine pureté sur son visage angélique à la fois regard d’un réalisateur amoureux de son actrice et de Reed. L’explosion des crânes par Dr Doom sont aussi d’une violence graphique que l’on n’avait pas vu depuis longtemps chez les super slips. Rappelons nous le final de Man of Steel où nous étions plus proche de Dragon Ball Z que d’une réelle destruction planétaire.
Cependant si la première partie du film est la plus intéressante où le coup de tête d’utiliser la machine semble être le fruit d’une soirée bien arrosée. Dans ce contexte, Josh Trank comprend le caractère assez immature de ces jeunes adultes et construit d’autant plus une horreur supplémentaire lors de l’accident (la venue inopinée de Ben Grimm).
Il n’empêche que le film perd complètement les pédales dans ses vingt dernières minutes où Doom réapparait et les 4 Fantastiques se créent en deux secondes pour faire apparaître le générique de fin. La honte semble planer sur le long métrage où l’équipe se forme en deux plans pour justifier son titre balancé à la va vite. Il est vrai que durant l’ensemble du film, on ressent comme un compte à rebours interne tellement on se demande au bout d’une heure vingt minutes comment cela va se conclure. En fait, tout cela se termine dans le bordel le plus total avec un combat digne d’un Power Rangers passant sur TF1. Le personnage de Fatalis n’est pas assez exploité alors que sa nouvelle création et son look peuvent en faire un personnage terrifiant fruit des frustrations de son humanité et de sa fusion avec la planète Zéro.
Le studio a sans doute décidé devant ce film à hauteur d’homme de tout charcuter pour coller une bataille mal branlée à la fin pour plaire au plus grand nombre. On détruit donc le mythe de Fatalis, on retire l’exode de Richards, on fait de Ben Grimm un personnage inexistant alors que le rendu de la Chose est à la fois convaincant et empli le personnage d’une mélancolie inédite. On traite la relation entre les jeunes adultes et le gouvernement par dessus la jambe alors que c’est le noeud central de la seconde partie du film. On ajoute des explosions cosmiques mal fichues pour détruire ce hangar prison de bêtes de foire. On retourne des séquences d’action avec test des pouvoirs sans intérêt comme en témoigne les changements de coiffure de Sue au gré des séquences.
On rachète une conduite à la figure paternelle Franklin Storm alors qu’il est présenté comme un personnage faible face au gouvernement même quand il s’agit de ses enfants pris en otage. Dans cette volonté de nuances et de noirceur inattendue, on termine sur une image positive avec une équipe dont l’existence nous échappe tellement chaque personnage réagit à sa manière (dans son coin) à l’accident dont ils sont victimes.
Comme souvent dans les films ratés, la création de l’oeuvre et ses coulisses sont plus intéressantes que le produit fini. On sent les tensions internes du tournage dans le film lui même en remarquant les coupes, les changements de cadres d’une partie à l’autre. Le film est avant tout le témoin d’un pacte malthusien passé entre son réalisateur et la Fox en miroir de la relation entre Reed et les instances gouvernementales.
Josh Trank a tenté de s’éloigner des standards livrés par Marvel Studios en créant un film personnel, incarné, relecture de son Chonicle où des humains deviennent des demi dieux tourmentés par leurs prouesses. Mais au bout du compte, la loi des studios l’a emporté fabriquant un objet hybride à l’image de son méchant à la fois terrifiant et ridicule. Juste un immense gâchis !