C'est un film sur des affranchis. Affranchis des chaines de la société, affranchis de la morale qui voudraient les contraindre à une vie honnête et humble. Au lieu de ça ils ont choisis d'être libres, de croquer la vie à pleine dent comme si elle pouvait disparaître d'un instant à l'autre et c'est le cas. Parce qu'ils ont troqué une vie normal et rangée dans une société qui les ignorent pour une autre, plus sauvage et immorale; et en voulant repasser par un état de nature, et ils ont reconstitué un mode de vie précaire fait de règles, de respect et de codes dont le non respect peut coûter cher. Comme le souligne Karen, ils vivent en vase clos, leur mode de vie l'impose, et en voulant s'échapper de la cage ils se sont retrouvés dans une cage encore plus petite avec les autres loups.
L'apport de Scorcese est d'arriver à reconstituer ce microcosmes grâce à son expérience et sa vie personnelle, il arrive à faire vivre ces voyous aux pratiques barbares, il parvient à humaniser Paulie, et nous rendre triste pour Tommy. Néanmoins en bon moraliste, il sait garder la distance, si il parvient à reconstituer les enjeux moraux qui guident la vie de ses personnages il ne les épouse jamais mais les reconstitue de façon quasi documentaire, en y mêlant les visions de ses propres personnages (par des plans séquences qui introduisent les personnage et le spectateur dans le "monde" ou par l'insertion de plans subjectifs). L'écriture, touffue et dynamique, accompagnée et la polyphonie des voix off ne laisse aucun temps mort, et ce tout simplement parce qu'il n'y en a pas. L’ascension et la chute d'Henry suit la trajectoire d'une étoile filante, le film dure 3 heures mais on le sentiment qu'il n'en dure qu'une, et c'est le même sentiment qui accompagne la vie d'Henry, 30 ans qui durent 2 ans tellement ils sont vécus intensément. Mais aussi parce qu'il n'y a pas de répit dans cette existence précaire, en voulant échapper aux 3*8 ils se sont engagés pour un travail 24/24. Les personnages ne trouvent le repos que dans la mort, coups après coups, casses après casse, il en faut toujours plus, et la vie n'est qu'un perpétuel exercice d'équilibriste, pas le temps de mettre de coté, pas le temps de profiter, on ne faisait pas d'économie dit Ray Llotta. La surenchère se poursuit ainsi jusqu'au point de rupture, plus on avance dans cet enfer de Dante, plus on brise des règles, et plus le cercle de ceux qui vont se faire descendre se rapproche de soi de façon concentrique. On tue les potes, les amis, les cousins, puis vient son tour.
Ce qui rends cette histoire incroyablement réaliste (et elle est réel), c'est l'abondance de détails qui lui procurent cet aspect documentaire, ces détails sont souvent mis en valeur par des gros plans de maître que Scorcese affectionne, ils reconstituent un environnement, une ambiance, et résume une situation (Les chaussures brillantes, les bijoux, l'ail, les flingues, la coke..), le détail permet de reconstituer le réel. L'autre point extrêmement important est le montage virtuose qui contribue à la constante effervescence de cette vie qui file à toute allure, elle file entre les doigts des personnages à tel point que la bande sonore continue de tourner sur la scène suivante comme si on ne pouvait pas arrêter la machine, que tout allait trop vite. Ce phénomène arrive à son paroxysme dans la dernière partie du film où Henry est complètement défoncé, il court partout comme si sa vie en dépendait et n'arrive plus à suivre le rythme, les hélicoptères, la sauce tomate, la baby-sitter, Sandy...le point de rupture est proche.
Cette vie faite d’excès en tout genre trouve son écho dans la musique avec les Stones, symbole de la décadence de l'époque décrite avec le fameux triptyque Sex, Drugs & Rock n Roll.
Scorcese démystifie la mafia en la présentant sous son vrai visage, terrifiant et picaresque, mais aussi incroyablement drôle car Goodfellas est une comédie humaine sur les impasses du désir et de la violence. On rit très souvent devant ce spectacle halluciné et hallucinant où les personnages évoluent d'un univers moral décadent et adoptent des comportements délirants mais toujours crédibles. Les codes qu'ils se sont crée dans leur micro-société sont insensés et absurde comme en témoigne les notions de respect ou de famille qui sont constamment bafouées. On sait dés le début que ça finira mal, ça doit finir mal, c'est comme si la trajectoire des personnages étaient toute tracée, en voulant s'écarter du chemin ils n'ont fait que précipiter leur chute, et à la fin, Henry ne semble pas le regretter, il adorait cette vie, bref "I did it my way" dit Sid Vicious.
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