On dit souvent que tout commence là pour Scorsese.
Qu'ici s'étale sous nos yeux ébahis la plus pure représentation de son style, de sa dynamique, de son sens du rythme et des cadres exigus, où s'étalent ici toutes ses obsessions, tous ses fétichismes, tous ses sujets de prédilections.
On dit des Affranchis qu'il est le chef d'oeuvre de Scorsese, son plus grand film, celui qui le fera connaitre véritablement dans le monde entier.
On dit cela, oui.
Mais à entendre parler le maître, on envisage plutôt cette célébration comme un hasard fortuit ; car Scorsese n'a jamais cherché à faire de ce film un chef d'oeuvre, mais plutôt presque à s'en débarrasser le plus vite possible.
Car Les Affranchis est un film de commande, un film pour racheter de ses dettes, un film qui permettra à Scorsese d'être étiqueté "réalisateur de films de gangsters". Ce qu'il a souvent refusé (mais qu'il ne peut pas aujourd'hui ne pas admettre, la preuve avec cette trilogie dont ces Affranchis est le premier épisode).
Car faire les Affranchis c'était se débarrasser d'une commande pour se livrer plus pleinement au film qui lui est cher : La dernière tentation du Christ.
Lorsqu'on lui demande de présenter les Affranchis, il répond par La dernière tentation du Christ.
C'est surement son perfectionnisme et sa virtuosité quasi innée qui feront que même un film rapidement et grossièrement fait est un chef d'oeuvre intemporel, un film culte autant par ses répliques, ses scènes d'anthologies que par la verve de sa caméra qui ici fait des ravages de mise en scène.
Et pourtant on a peut être une mauvaise lecture.