156 critiques ont déjà été écrites sur ce site, alors je ne vais pas me lancer dans une description détaillée de l'histoire ni des acteurs, ni de la biographie de Scorcese.
Je voudrais simplement dire que j'avais vu ce film à sa sortie au ciné et que je l'ai revu hier soir, soit vingt-cinq ans après et le résultat est toujours là : un pur régal, surtout pour quelqu'un comme moi qui n'aime pas les films de gangsters.
Mais là, il faut dire qu'on n'est pas dans un film de gangsters comme les autres, c'est un film sur et avec les gangsters. On entre dans leur monde, leur intimité, leurs peurs, leur violence, leurs questionnements et même leurs goûts culinaires. Quand on sait que le film est basé sur une histoire vraie et que tous les personnages sont inspirés de vrais gangsters, on plonge d'autant plus dans leur réalité.
Le héros (ou plutôt l'anti-héros) est interprété par un Ray Liotta aux yeux verts acier, extraordinaire. Je trouve qu'il a un petit air de John Travolta. Il joue merveilleusement bien au début du film, le gars sûr de lui et de ses charmes, draguant à tout va, riant de toute ses dents avec une moue sardonique, profitant sans complexes de tous les avantages qu'il tient de son statut. Peu à peu, sa lente dérive se lit dans son regard, la drogue commençant à faire son effet. A la fin du film, son regard perdu, sa coiffure en pétard, son aspect débraillé traduisent la peur qui s'empare de lui, jusqu'au dénouement final où il ose à peine lever les yeux vers ses vieux amis, qu'il a trahit pour sauver sa peau.
Quant à Robert de Niro et Joe Pesci, il sont tout aussi formidables, mais là j'ai été moins surprise car ils sont plus connus. Joe Pesci incarne très bien l’impulsivité de Tommy DeVito, qui n'hésita pas à tuer plusieurs personnes (dont un caïd et un serveur) parce que ces derniers se sont moqués de lui ou ont oublié de le servir. De Niro toujours excellentissime, est dans la peau de Jimmy Conway (inspiré du criminel James Burke), le grand frère de la bande, volontiers rigolard mais à la gâchette facile lui aussi.
On se surprend à les aimer ces malfrats, à prier pour qu'ils ne meurent pas. C'est tout le paradoxe du film : comment nous faire aimer des anti-héros, des criminels. Leurs réactions parfois grotesques nous font sourire. Leur violence nous étonne aussi.
Les scènes en prison sont le summum du décalage entre le tout venant et ces êtres qui ont une vie singulière, exceptionnelle : on les y amène en berline de luxe, ils ont une cellule ressemblant à un salon, il sont approvisionnés en produits de luxe, ils cuisinent et dînent en toute convivialité : quel régime de faveur !
Un dernier mot sur les femmes me semble intéressant : ce sont des épouses souvent délaissées, malheureuses, vivant en vase clos, des maîtresses adulées, poules de luxe désabusées. La scène où Karen découvre les autres femmes lors d'une fête est à ce titre mémorable, tant ses comparses sont décomplexées, vulgaires, maniant le vocabulaire de leurs hommes sans états d'âmes.