Récit brut et déroutant dont les non-dits alimentent l'histoire tout en l'opacifiant, Les amants de Caracas montre, dit peu, déroule son fil avec ténacité, raconte mais n'explique pas.
On se croit d'abord en terrain connu, du côté peut-être de La vierge des tueurs ou chez Pasolini, se préparant à vivre les amours brutales d'un quinquagénaire taiseux et d'une petite frappe sans repères. Mais on fait fausse route, ou plutôt la route est-elle plus chaotique, l'amour, s'il existe, se révélant plus inattendu. À l'habituel jeu de dupes entre l'homme qui paye et le jeune homme qui prend l'argent, se superpose un récit complexe aux intentions mystérieuses.
La narration d'apparence fluide se voit régulièrement bousculée par une fulgurance, un vide, un changement de comportement. C'est un jeu du chat et de la souris entre Armando, prothésiste dentaire, et Elder, dont le père serait en prison et qui vit plus souvent dans la rue que chez sa mère.
Sec et factuel, Les amants de Caracas est un film dont l'apparent calme semble masquer une respiration haletante, sorte de lente course contre la montre dont le final brille par son évidence alors qu'on n'avait (presque) rien vu venir.
De tous les plans, les deux comédiens s'aimantent et se repoussent, l'expérimenté Alfredo Castro et le jeune Luis Silva apparaissant d'abord comme le négatif l'un de l'autre avant de se mêler, pour devenir peut-être un seul et même personnage.
Couronné par le Lion d'Or dès son premier long métrage, Lorenzo Vigas impressionne par son aisance et sa maîtrise. Un cinéaste à suivre.