Henrietta, jeune femme repliée sur elle-même se voit courtisée par deux hommes souhaitant la ramener vers la vie: Sam, son époux, un parvenu et ex-bagnard, force de la nature, sorte de Biff Tannen positif avec la voix de Telly Savalas, et Charley, un jeune aristocrate de la vieille noblesse irlandaise, cousin du nouveau gouverneur, sorte de Lamartine des portraits, de Chateaubriand de Girodet, au sourire en coin.
Non, ce n'est pas une de ces romances interactives à la mode qui pullulent sur les téléphones portables principalement féminins.
C'est peut-être le Twilight des années 40, plus réaliste, où les vampires n'étaient encore que des aristocrates et les loup-garous des paysans,bourgeois ou nouveaux riches.
C'est surtout bel et bien un Hitchcock, aussi surprenant que cela puisse apparaître, un Pas de printemps pour Marnie en costume, teinté d'un peu de Rebecca sans doute.
Car sous ce triangle et même carré amoureux, se dissimule toute une toile d'événements meurtriers, les uns appartenant au passé mais trahis dans le présent par la folie, par la mauvaise réputation, les autres bien actuels et très insidieux et cruels.
Sam souffre encore, dans un pays où l'on se refuse à être regardant vis à vis du passé de ses habitants, de sa réputation d'ex-bagnard: il s'est accusé à tort de l'assassinat du frère d'Henrietta, lequel a en réalité été tué par accident par Henrietta elle-même, qui depuis en cauchemarde la nuit et le jour.
Milly, la servante très attachée à son maître, trop même car éprise de lui, tue la belle Henrietta à petit feu, la changeant en ivrogne et glissant de folles doses de médicaments dans son vin, comme une mauvaise fée du monde réel.
Doublement un Hitchcock pourrait-on dire, car Hitchie y fait deux caméos, ce qui n'est pas ordinaire.
Le bât blesse dans ce que l'intrigue amoureuse prend trop souvent le pas sur l'intrigue policière qu'Hitchcock cherche tant à subtilement dissimuler qu'il la noie sous ce que d'aucuns nommeront du romantisme et d'autres de la guimauve.
De même qu'Hitchcock aura nommé Sueurs froides le film préféré de sa filmographie, Les Amants du Capricorne sera son vilain petit canard, qu'il rejette comme un caprice né de son désir pour Ingrid Bergman.
Le film n'est pourtant pas mauvais mais exige en effet un esprit de visionnage plus romantique que policier en quête de suspense et de paranoïa, lors même que bien des pistes narratives auraient pu être exploitées en ce sens.
Premier des métrages plus longs du Maître, Les Amants du Capricorne souffre de quelques longueurs, de l'inexpérience d'Alfred d'alors sur les films avoisinant les deux heures. Mais il se voit sans déplaisir, moins cloué sur le siège que l'on ne l'est devant un bon Hitchcock pure sauce d'eaux troubles.