Bien sûr quand on a vu "Brève rencontre", on se dit qu'il est difficile d'égaler un tel chef d'œuvre où tout, absolument tout est parfait. C'est une véritable histoire d'amour même si cet amour, pour de multiples raisons, est appelé à ne jamais être concrétisé. C'est peut-être même en cela qu'il est si beau.


Mais il me semble que c'est une erreur de mettre les deux films sur le même plan. "Les amants passionnés" sont une histoire très différente.
Dans les "amants passionnés", une femme Mary a fait un choix après avoir vécu, jeune, une histoire passionnée avec Steven, étudiant ou jeune professeur, ardent et vivant mais plutôt désargenté. Ce choix dicté par la raison est d'épouser Howard, riche banquier international et de laisser Steven sur la touche.
Pour quelle raison ? Le confort, la sécurité certainement. Mais pas seulement. La peur de cet amour dévorant que lui propose Steven où elle s'engloutirait corps et âme.


En cela, le choix de Ann Todd est tout-à-fait excellent car son visage beau mais (un peu) inexpressif reflète tout-à-fait le fond de l'âme de Mary. L'amour-passion oui, un peu, c'est bien agréable mais le confort matériel avec un mari pas si exigeant où finalement, on n'appartient qu'à soi-même, c'est tellement mieux. Même si le cœur n'est pas bien d'accord et profite de la moindre occasion pour s'enflammer notamment quand le mari est absent.
Après son mariage avec Howard, il y a eu trois occasions de rencontre entre Mary et Steven : la Saint-Sylvestre 1939 et l'absence de Howard en déplacement professionnel en Allemagne d'une part, la rencontre tout-à-fait fortuite, 9 ans plus tard, dans un hôtel au bord du lac d'Annecy. Les deux premières occasions, elle laisse échapper sa chance. La troisième c'est bien trop tard. Steven a refait sa vie et est désormais heureux.


Et c'est là que le Destin décide de frapper un grand coup : à force de jouer, elle perd tout. Et l'amant (qui n'a plus besoin d'elle) et le mari (qui comprend que sa femme ne lui appartient pas). Même si le happy end rattrape tout ça, sachant quand même qu'elle devra appartenir à son mari.


Le rôle du mari est tenu par un excellent Claude Rains qui joue finement sa partie. D'abord compréhensif et satisfait de son acquisition. Excusez ce denier mot mais il ne se cache pas que sa relation à Mary, c'est de l'affection et pas de l'amour -passion qui dit-il n'aurait pas convenu à Mary. En cela, je pense que le personnage, Howard/Claude Rains, a parfaitement cerné la personnalité profonde de Mary/Ann Todd.
L'évolution de son personnage et surtout de l'expression de son visage était remarquable sur l'ensemble du film entre le moment où il vient de se marier quand il découvre que Mary et Steven n'ont pas été au théâtre puis surtout quand il attend le retour de promenade de Mary sur le lac d'Annecy.
J'ai trouvé que le personnage incarné par Claude Rains était étrangement proche du Alexander Sebastian dans sa relation avec Ingrid Bergman dans les "Enchainés" de Hitchcock.


Reste Trevor Howard qui tient le personnage de l'amoureux éconduit. Là aussi, il joue très bien le rôle de l'homme amoureux fou qui voit une Ann Todd idéalisée et non réelle. Il ne voit pas l'aspect froid et calculateur de Mary. Son attitude dans la balade en montagne est caractéristique. Il est bien plus détaché que dans les précédentes rencontres. Il a enfin tourné la page.
Et pour revenir à cette scène, il n'y a plus d'amour fou du côté de Steven alors qu'ils évoluent dans un paysage romantique à souhait. Ce ne sont plus que de bons amis qui se rencontrent et font une randonnée en montagne.


Le dialogue entre Mary et Steven alors qu'ils sont jeunes et amants est la clé de ce film.
Mary - Je n'aimerai jamais que toi
Steven - Pourquoi tu ne m'épouses pas ?
Mary - Je ne le sais pas moi-même. Je ne veux appartenir qu'à moi-même.
Steven - Ta vie sera un échec

JeanG55
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les films de David Lean et Les meilleurs films de 1949

Créée

le 17 juil. 2021

Critique lue 388 fois

11 j'aime

10 commentaires

JeanG55

Écrit par

Critique lue 388 fois

11
10

D'autres avis sur Les Amants passionnés

Les Amants passionnés
Aurea
5

Les braises étaient froides

On retrouve certes, dans ce film du réalisateur britannique, le thème de l'amour impossible ou contrarié, mais alors que c'était un véritable feu d'artifice dans Brève rencontre ou la flamboyante...

le 7 janv. 2012

22 j'aime

26

Les Amants passionnés
Artobal
9

Lean et amants

De joie j’ai crié (enfin j’aurais voulu crier, crier "Ah Lean"… si guyness ne m’avait pas coupé dans mon élan)... lorsqu’un matin le colis tant attendu me fut remis par le facteur, si peu conscient...

le 6 juin 2013

13 j'aime

15

Les Amants passionnés
JeanG55
8

Ta vie sera un échec

Bien sûr quand on a vu "Brève rencontre", on se dit qu'il est difficile d'égaler un tel chef d'œuvre où tout, absolument tout est parfait. C'est une véritable histoire d'amour même si cet amour, pour...

le 17 juil. 2021

11 j'aime

10

Du même critique

L'Aventure de Mme Muir
JeanG55
10

The Ghost and Mrs Muir

Au départ de cette aventure, il y a un roman écrit par la romancière R.A. Dick en 1945 "le Fantôme et Mrs Muir". Peu après, Mankiewicz s'empare du sujet pour en faire un film. Le film reste très...

le 23 avr. 2022

25 j'aime

9

125, rue Montmartre
JeanG55
8

Quel cirque !

1959 c'est l'année de "125 rue Montmartre" de Grangier mais aussi des "400 coups" du sieur Truffaut qui dégoisait tant et plus sur le cinéma à la Grangier dans les "Cahiers". En attendant, quelques...

le 13 nov. 2021

25 j'aime

5

La Mort aux trousses
JeanG55
9

La mort aux trousses

"La Mort aux trousses", c'est le film mythique, aux nombreuses scènes cultissimes. C'est le film qu'on voit à 14 ou 15 ans au cinéma ou à la télé et dont on sort très impressionné : vingt ou quarante...

le 3 nov. 2021

24 j'aime

19