Durant la première guerre mondiale, dans une petite ville de l'est de la France à proximité du front, une fillette assassinée, symbole de l'innocence foudroyée, est découverte. Ce préambule n'annonce pas pour autant une intrigue de type policier et Philippe Claudel, l'auteur, et Yves Angelo, le réalisateur, ne reviendront au fait divers que dans le seconde partie du film.
A travers quelques figues du bourg, incessamment traversé par la troupe en route pour le front, dont on entend le bruit du canon, Claudel décrit une humanité souffrante: les âmes grises. Le procureur du lieu (Marielle)
-qui sera plus tard suspect, avec d'autres, du meurtre de la fillette-
traine sa lassitude et son nihilisme, lui qui a vu trop d'horreurs,; l'institutrice (Marina Hands) affiche sa morosité et son inquiétude dans l'attente de nouvelles de son fiancé parti à la guerre; le juge d'instruction (Villeret) enquête, cynique et injurieux. Ils sont les personnages principaux, parmi des protagonistes secondaires ou fugitifs qui caractérisent les turpitudes et les tourments des hommes, leur malheur.
Film intimiste, aux images grises elles aussi, et au ton désenchanté, "les âmes grises" diffusent une mélancolie et une noirceur dont on ne sort pas indemne. L'esthétique du film et la reconstitution d'époque sont par ailleurs une vraie réussite.. Toutefois, ce film d'ambiance dont certaines séquences nous semblent parfois vaines et affectées n'en fait-il pas trop dans le marasme stylisé au détriment du scénario? Même le retour de l'intrigue policière ne suffit pas tout à fait a donner du corps, de la matière à une histoire comme figée dans le dolorisme.