Critique initialement publiée sur Le con, Le Culte et Les Écrans
Vous connaissez l’histoire de la poule aux œufs d’or ?


Warner Bros la connaît bien et l’a même déguisé en petit sorcier à lunettes et cicatrice sur le front.


Pour les trois du fond qui ne suivent pas, Harry Potter ç’est 8 films officiels qui ont marqué quelques générations (malgré leurs faiblesses cinématographiques) et surtout rapportés un max de pognon. Tout comme l’enfant a du mal à lâcher sa mère, Fillon l’argent et le poivrot sa bière, Warner ne lâcha pas les dollars et lança une adaptation des animaux fantastiques, spin off de la saga principale. Le premier film était un honnête divertissement, oubliable comme tout, peu ambitieux mais efficace dans son genre.


À l’heure du deuxième volet, on a clairement gagné en ambition, le même type d’ambition qui a rôti les ailes d’Icare.


Le film démarre par une incroyable évasion de prison suivi d’une attaque de diligence en plein ciel, les fans de western apprécieront. Le ton est sombre, l’atmosphère poisseuse et l’action virevoltante.
Une telle euphorie ne pouvant durer, on est aussitôt plaqué au sol par une réintroduction des personnages au forceps qui ferait pâlir, quiconque a déjà vu une bonne série. Les personnages absents ont leurs équivalents pour ne pas perdre le spectateur, les présents sont modifié d’un coup de baguette magique bref ç’est le service minimum.


On suit au début l’intrigue sans déplaisir et puis on bute, une fois, deux fois, trois fois, devant un produit calibré pour une horde de fans avide de références. Autant vous le dire tout net, soit vous avez un Master 2 en Potterologie soit la plupart des noms (namedroppés n’importe comment soit dit en passant) ne vous diront rien et vous donneront l’impression de rater une partie du film. Rien de primordial, bien sûr, mais ç’est suffisamment frustrant pour être souligné.
Narration toujours avec le scénario en lui-même. Efficace, surprenante parfois, l’histoire a le mérite de tenter des choses et de casser l’image de quelques personnages historique. Dommage qu’il soit raconté de manière aussi navrante avec des ralentissements inappropriés (une scène de parlote de 20 minutes dans un cimetière en est le consternant exemple.) mais aussi un manque de temps évident. Le film, limité à un peu plus de deux heures, n’a pas le temps de tout dire, mais essaye de le faire quand même.


Vous l’aurez compris niveau histoire, on patauge entre la bonne idée de temps en temps, le moyen souvent et le médiocre parfois.


Pour ce qui est des scènes d’action, David Yates n’a pas changé et remue toujours sa caméra comme un neuneu des que le monde s’agite un peu. Si on est loin de la catastrophe on regrette tout de même amèrement que toutes ces scènes soient aussi oubliable. Mention spéciale pour le gloubiboulga d’effets spéciaux de la dernière et nanardesque scène d’action du film.
Au casting, tout le monde fait le job et Jude Law écrase tout le monde de son charme magnétique. Les créatures sont aussi mignonnes qu’artificielles et les décors sont parfois inspirés.


Une fois rendu ici, vous vous dites sans doute que ce constat sévère (et il l’est.) est sans appel.


Pourtant, de ce monde fictif de sorciers, Yates réussit le tour de force de créer de vrais moments de grâce incroyable. Un, je t’aime entre quatre yeux, une accolade entre frères, une haine de la bureaucratie, un serpent metamorphe, autant de petits moment suspendus dans une machine qui jamais ne s’arrête.


Et puis il y’a la phrase. Celle qui explique tout, qui fait passer le film de demi navet à œuvre passionnante. Un aveu d’un personnage à un autre, un aveu d’un réalisateur aux fans aveugles : « Tu n’as jamais été capable de détester un seul monstre ».
On reste figé. Par la beauté émotionnelle pure de la scène tout d’abord. Puis par la violence de cette phrase qui détruit à elle toute seule ce que Warner bâti depuis plus de 15 ans maintenant.


Les animaux fantastiques 2 n’est pas un grand film… Pas un mauvais film non plus d’ailleurs. Juste un film coincé dans une industrie qu’il ne comprend plus. Un film ambitieux, bridé par les attentes de tous. Un film généreux et oubliable, touchant et frustrant, sublime et maladroit, bref un vrai film de cinéma.

AdrienGarraud
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le 6 déc. 2018

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