Il y a quelques jours, en faisant oisivement défiler mon fil d'actualité sur Fb, j'ai aperçu le titre d'un article du Guardian qui s'opposait au retour de l'univers d'Harry Potter au cinéma: "Thanks, JK Rowling, but I’ve had it with Harry Potter". Je ne l'ai pas lu (l'article hein, pas les Harry Potter).


D'abord, parce que je me suis dit que c'était un truc de rageux, comme il y en a des tas de publiés à chaque nouveau Star Wars ou Marvel (ou DC Comics, s'ils avaient un univers cinématographique auquel les gens s'intéressaient #Trololol) donc avec la même rhétorique de "Tfasson Hollywood sais fair ke dé remakes ou dé reboots mintenan cé tro nulle" plus ou moins bien exprimée, ce qui place son niveau intellectuel global quelque part entre les tweets de Trump et ceux d'Hanouna. Ensuite, et je ne me le suis pas complètement avoué à ce moment-là, parce que j'avais peur d'être d'accord avec eux, pour la première fois (en ce qui concerne le Potter Cinematic Universe, ou Wizarding World pour le nom officiel).


Il faut dire qu'en voyant les bandes-annonces, qui montraient une scène de guerre avec des avions de la seconde guerre mondiale, et les affiches, dont l'accroche était "Qui va changer le futur?", j'avais très très TRÈS peur qu'ils nous fassent un plot twist à base de voyage dans le temps et d'univers parallèle -et vu comment ça avait été géré dans Harry Potter et l'enfant maudit, je n'étais pas du tout serein. Il se trouve finalement que j'ai eu tort sur trois points: il n'y a pas de voyage dans le temps dans AF2, la scène où les personnages ont cette vision du futur est clairement la meilleure du film (parce que c'est la seule où le film amène quelque chose de vraiment nouveau) et, niveau scénario/ dialogues/ crédibilité des personnages, AF2 est pire que L'enfant maudit. Voilà, ça c'est dit.


Mais alors qu'est-ce qui ne va pas? Malheureusement, presque tout.



  • Côté acteurs, le surjeu de Johnny Depp -qui était à craindre- fait presque du bien face au sous-jeu de Eddie Redmayne, bloqué sur sa perpétuelle expression de victime (tête sur le côté, regard par en-dessous, bouche en cul-de-poule, on a l'impression qu'il s'est pris une rouste avant chaque réplique), de Zoë Kravitz (qui est fort mignonne mais monolitique, on dirait Kristen Stewart dans Twilight) ou, palme du pire, de Ezra Miller, qui joue le mec torturé avec la subtilité d'un bombardier américain survolant l'Irak. Les autres sont entre deux eaux, leurs personnages n'étant pas assez bien écrits pour réellement avoir quoi que ce soit à jouer -même en ce qui concerne Dumbledore, campé tant bien que mal par Jude Law.

  • Les dialogues sont plats, poussifs et par moments ridicules (ah, le premier échange entre Norbert et Leta au ministère, à base de "hihihi, tu te rappelles à l'école, quand tu avais été collé et que moi j'avais lancé une bombabouse pour te rejoindre #Tro2Love") à l'exception notable du discours de Grindelwald à la fin du film -cela dit, vu qu'il est mis en scène comme le climax, il aurait été dommage de le rater.

  • Les costumes sont globalement réussis, si on accepte que Grindelwald et ses acolytes soient fringués, coiffés et maquillés comme dans un clip d'Indochine alors qu'on est en 1927 -cela dit, il est possible de faire une lecture pseudo-rock de la façon dont les méchants sont mis en scène, puisque les deux à qui on donne des dialogues sont le leader du groupe (Depp), la meuf bonne du groupe, et que les autres n'ont rien à dire ou à faire seuls (relégués au rang de batteur ou bassiste, donc) sauf la nouvelle recrue qu'on voit un peu plus (sans doute parce que c'est lui qui fait les solos).

  • Les décors oscillent entre le très bon (la maison de Norbert, le ministère français de la magie, Poudlard <3) et le discutable (la scène du naufrage, les visions d'ensemble de Paris, le Père Lachaise et l'arène souterraine, qu'on croirait recyclée de Harry Potter 5). Même remarque pour les effets numériques, capables du meilleur (les monstres, notamment le Kelpie -qui ne s'écrit pas avec un "y" n'en déplaise aux traducteurs-, le Kappa entraperçu et le Zouwu; la ville couverte de voiles noirs; la vision du futur) comme du pire (le balrog de feu bleu... mes yeux saignent).


Non, le VRAI problème du film, c'est son scénario et son rapport complètement bâtard à l'univers établi par les livres (et les films) Harry Potter -et c'est là, à mon sens, qu'il se ramasse dans les grandes largeurs là où le premier réussissait plutôt pas mal à mener sa barque. Ce qui faisait la force du premier AF, c'était la nouveauté, à la fois de l'époque, du lieu et des personnages, qui étaient tous inédits au cinéma (je ne compte pas le Grindelwald vieux de HP7, on le voit 5 secondes). On n'était donc plus vraiment en terrain connu, ce qui laissait les coudées franches à l'équipe du film pour proposer des choses différentes avec un effort minimal d'inclusion dans un univers pourtant très fermé et interdépendant; en effet, contrairement à Star Wars par exemple, il n'y a pas d'univers étendu dans Harry Potter: il y a d'un côté le canon, et de l'autre les fan-fictions -et la ligne de démarcation est très claire.


Enfin, ça, c'était avant.


Au vu du succès du premier, les producteurs du PCU ont lancé une pentalogie de films centrés sur Grindelwald qui devrait culminer avec le duel entre Dumbledore et son ancien ami/ amant/ frère de sang (on en parle du design de la babiole d'ailleurs? on dirait un bijou d'Halloween en plastique). Autrement dit, il leur fallait incorporer de plus en plus d'éléments du canon de Harry Potter pour faire des AF la vraie préquelle des films canoniques. Sauf que là aussi, "subtilité" ne semble pas avoir été le maître mot: AF2 se présente ainsi plus comme un catalogue de références et de clins d'oeils que comme un véritable film, à force de vouloir donner une origin story à tout et n'importe quoi:


Le miroir du Risèd? OK. Nicolas Flamel? OK. Les Lestrange qui sont des gros bâtards? OK. L'ordre du Phénix, en 1927, avant que Voldemort ne soit même né? ... Bon, soit. Nagini? Hhsdgsqvmokay. Fumsek? Un frère caché de Dumbledore alors que la temporalité ne colle pas du tout?
...
Fuck it.


Sauf que contrairement à Solo: A Star Wars Story, qui souffrait du même excès de zèle, AF2 foire complètement son rapport au canon et surtout en oublie d'être un vrai film. On a ainsi des scènes qui s'enchaînent sans réelle logique, des développements de personnages complètement illogiques (mention spéciale à Queenie), des retournements de situation à la fois prévisibles et improbables, bref un marasme général servi sur un plateau numérique par David Yates, qui filme sans réel entrain ni génie un univers qui ressemble de moins en moins à celui que Rowling avait créé: un Harry Potter low cost, standardisé, calibré - un Harry Potter sans magie, en fait.

Ruhenheim
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le 17 nov. 2018

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