C'est un film estimable, sympathique comme tous les films qui s'attachent à dénoncer les fourvoiements d'institutions immuables de la société. Carné met en cause ici l'impunité de la police qui, malgré une bavure criminelle, trouve le soutien indéfectible, cynique, d'un régime plus attaché à l'ordre et aux valeurs bourgeoises qu'à la justice. En cela, le film reflète et continue l'époque de contestation née en 68.
Mais que le film a vieilli! C'est avec des arguments naïvement idéalistes que Carné prétend dénoncer le pouvoir abusif de la police et la corruption, la complicité dans l'Etat. Indépendamment de la légitimité du propos, le film est artistiquement médiocre. Les personnages de Carné sont des stéréotypes, voire des caricatures, accablés par une direction d'acteurs dépourvue de réalisme et de rigueur, et par des dialogues particulièrement maladroits.
L'action du juge d'instruction Level (Jacques Brel), élevé complaisamment au rang de chevalier blanc, se heurte autant à l'immobilisme politique qu'aux carences de la mise en scène de Carné. De généralités philosophiques en attitudes factices, Jacques Brel véhicule une réflexion simpliste sur la société et la justice. Confronté aux trois flics fautifs qu'il veut faire condamner envers et contre tous, aux faux témoignages et aux rétractations attendues de témoins intimidés, le petit juge se retrouve seul, dans une situation très conventionnelle. Seuls Charles Denner et Michael Lonsdale, par leurs compositions respectives d'avocat et de commissaire, semblent épargnés par les approximations et les facilités du scénario.