"Les Assassins sont parmi nous" fait partie des films très difficiles à noter car de nombreux aspects, historiques, thématiques, parfois opposés, entrent en jeu.
Impossible de ne pas regarder ce film comme le premier du cinéma allemand d'après-guerre. C'est une étiquette qui lui restera invariablement collée à la jaquette. De fait, le film revêt une importance et un intérêt historiques dans sa façon de mettre les Allemands face à leur culpabilité / responsabilité (indépendamment de la façon de le faire), mais également de filmer Berlin dévastée, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Ce dernier aspect n'est pas particulièrement mis en avant, mais les quelques aperçus de champs de ruines, décors naturels de premier choix, suffisent à instaurer le climat adéquat. De ce point de vue-là, "Les Assassins sont parmi nous" vaut le détour.
Il vaut aussi le détour, de manière un peu moins pertinente, dans le questionnement que traversent à peu près tous les personnages, autour de la culpabilité et du retour à la "vie normale". Le film conserve un certain intérêt à ce niveau-là dans le fait qu'il ne soit pas franchement réussi, tout en gardant à l'esprit que la censure soviétique (RDA oblige.. ou pas, cf. le commentaire d'ubrukelig ci-dessous) imposa quelques retouches, notamment à la fin. La culpabilité et la responsabilité d'ex-officiers nazis ne se poseront au final qu'en termes très simples, avec d'un côté le "gentil" plein de remords (avec un penchant pour la folie) et de l'autre le "méchant" (avec la tête de l'emploi) volontairement oublieux. Le final est très réussi esthétiquement parlant, tout comme le reste du film, et le jeu d'ombre et de lumière ainsi que les silhouettes menaçantes rappellent inévitablement les grands classiques du cinéma expressionniste d'avant-guerre — Fritz Lang, pour faire court, avec "Furie", "J'ai le droit de vivre", et surtout "M le Maudit". Mais ce côté extrêmement démonstratif arrive comme un cheveu sur la soupe, façon "il ne faut pas se faire justice soi-même".
Reste à savoir où l'on se place par rapport à l'histoire du film. Pour l'époque, c'est sans doute un petit pas en direction de la réconciliation nationale (bien que forcé par la main soviétique, encore une fois) dont on peut pardonner la simplicité des dilemmes moraux et l'indifférence que suscite la romance entre les deux protagonistes. Romance à l'intérêt négligeable si on la compare à ce qui se faisait à la même époque, comme par exemple chez Helmut Käutner et "Sous les ponts" tourné quelques mois avant, fin 1944. Mais vu d'aujourd'hui, le message paraît relativement simple, voire simpliste. Surtout si on le lit à la lumière de la richesse thématique de l'époque, des questions de responsabilités individuelles et collectives, des problématiques ayant trait à la justice, à l'oubli et à la rancœur au lendemain de la guerre.
[AB #92]