Il est très "branché", depuis le succès de son Three Billboards, de critiquer Martin McDonagh, auteur complet (homme de théâtre, scénariste et réalisateur), auquel on reproche désormais l'intelligence de ses scripts, et l'efficacité de ses films sur le spectateur lambda qui en sort généralement enchanté. C'est un vilain procès, à mon avis, et même si je suis le premier à préférer les films peu écrits, qui laissent la respiration de la vie les oxygéner, je trouve difficile difficile de parler de "manipulation", ou même tout simplement de "recettes efficaces" chez McDonagh. Les Banshees d'Inisherin, qui a le malheur de nous arriver tardivement auréolé de critiques très élogieuses aux USA et en GB (soit une bonne raison pour les critiques - et même certains cinéphiles - d'ici de le détester a priori), devrait être le film qui pose définitivement McDonagh comme un auteur "respectable" (d'ailleurs le film a été primé à Venise, ce qui est quand même une caution solide, non ?).

Car, avec cette histoire singulière, qui nous montre comment l'ordre "social" d'une petite île irlandaise (une île imaginaire...) protégée par son isolement de la guerre civile qui fait rage dans le pays, va être ébranlé par la décision d'un seul homme, Colm (Brendan Gleeson, génial comme toujours), qui veut juste que le reste de sa vie "ait un sens" et qui sacrifie son amitié pour Padraïc (Colin Farrell, qui continue à s'améliorer en vieillissant, et qui est parfait ici en "neuneu" gentil qui arrête de l'être - gentil), McDonagh réalise son meilleur film à date : une sorte de western neurasthénique qui montre la nocivité absolue de la vie "communautaire", et qui transforme un duel entre deux amis devenant farouches ennemis tout en continuant à s'aimer en une chronique politique du déchirement irlandais. Sans jamais sacrifier à la facilité du manichéisme ou des stéréotypes, puisque même les personnages qui pourraient porter un discours "moderne" (la sœur de Padraïc, femme moderne avant l'heure, Dominic l'idiot du village obsédé sexuel) ont une existence complète en tant que "personnes", et non seulement ressorts de la fiction.

Une œuvre majeure.

[Critique écrite en 2022]

EricDebarnot
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le 30 déc. 2022

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Eric BBYoda

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