Du jour au lendemain, Colm souhaite rompre le lien d'amitié qu'il avait avec Padraic. Derrière cette ligne de scénario minimaliste, l'intrigue se noue autour de grands thèmes : l'isolement insulaire, les aspirations personnelles, la postérité, le rapport aux animaux et à la nature. Ceux ci sont bien amenés par le lieu de l'action, l'île d'Inisherin, totalement coupée du reste de l'Irlande.
Assez vite, le film élucide la raison pour laquelle Colm décide de mettre fin à leur amitié : il ne veut plus perdre de temps avec Padraic, se détacher de ses conversations plates pour mieux se consacrer au violon et à la composition d'airs qui le survivront.
On comprend aussi que Padraic, sans être l'idiot de l'île (ce statut est déjà pris par Dominic, le fils de l'agent de police), est "creux". S'engage alors un dialogue de sourds entre Padraic, qui ne peut littéralement pas concevoir la demande de Colm et ce dernier, qui en vient à l'automutilation dans le but -vain- de faire passer le message.
C'est au contact des autres personnages du village: Siobhan, la sœur qui rêve d'émancipation sur l'île principale; Dominic, martyrisé par son père, que le film prend en épaisseur, faisant ressortir le caractère respectif des deux anti-héros.
Touchant par sa simplicité, le film souffre de quelques longueurs. S'il y a des raisons que la raison ignore, l'argument très rationnel de Colm est seulement présenté comme argument d'autorité. Le scénario aurait gagné en richesse en apportant des éléments un peu plus sociologiques ou philosophiques, profitant du contexte particulièrement porteur de la vie isolée sur Inisherin.
Malgré cela, le film traite d'un sujet qui touche à nos questionnements sur l'existence, à nos modes de vie. Il reste, dans le contexte d'un monde hyper connecté et centré sur la réalisation de soi dans la consommation et l'affichage de sa réussite, toujours d'actualité.