Imparfaite mais amusante, la comédie de Julie Delpy touche juste grâce à la galerie de personnages habilement dépeints et par les brillants acteurs qui les interprètent. Cette comédie se distingue par sa capacité à aborder des sujets délicats avec humour et perspicacité.
À Paimpont, l’harmonie semble régner. Dans un grand élan de solidarité, les habitants acceptent avec enthousiasme d’accueillir des réfugiés ukrainiens. Cependant, les réfugiés qui arrivent ne sont pas ukrainiens, mais syriens ! Et certains, dans ce charmant petit village breton, n’apprécient guère l’arrivée de ces nouveaux voisins. En fin de compte, qui sont les véritables barbares ?
La qualité de cette comédie est de savoir toucher juste. Julie Delpy moque les comportements hypocrites et les mesquineries ordinaires de ce village breton, et par extension les nôtres. Le regard que l’on porte aux tragédies qui nous entourent (qui nous émeuvent de loin mais moins de près). La réalisatrice s’amuse de la hiérarchie des souffrances. Le village est prêt à recevoir des réfugiés ukrainiens mais bien moins disposé à recevoir des Syriens. Le gag autour du « marché du réfugié » est assez drôle et bien trouvé.
À travers cette comédie, Julie Delpy adopte une position politique claire et se met du bon côté du manche mais a tout le monde dans son viseur. Elle se moque autant du plombier identitaire que de l’institutrice de gauche donneuse de leçon. Chacun se retrouve épinglé que ce soit pour sa méchanceté ou pour ses bonnes intentions.
L’autre point fort du film est sa galerie de personnages plutôt bien dessinés. Entre l’institutrice très de gauche et le plombier très de droite, se dresse une série de personnages assez impayables. De la propriétaire de la supérette, fervente adepte de l’apéritif, à son mari qui ne voit tout ça que sous l’angle du business en passant par l’épouse du plombier faussement soumise qui observe avec consternation la paranoïa de son mari.
Si les personnages sont aussi bons, c’est aussi grâce aux acteurs de luxe dont Julie Delpy. Elle-même est excellente dans la caricature d’elle-même qu’elle nous donne. Sandrine Kiberlain est un véritable stradivarius de la comédie. Jean-Charles Clichet est un maire génialement opportuniste. Mais il y a surtout, Laurent Laffite qui est un fumier d’anthologie.
Là où Delpy montre ses limites, c’est dans la maîtrise de la dimension chorale de son film. Le récit pâtit de la multiplicité des intrigues secondaires qui s’entremêlent, et de certains personnages sous-exploités. Peut-être l’actrice-réalisatrice a-t-elle voulu trop en dire, trop en montrer. Elle peine à traiter toutes les pistes qu’elle esquisse, comme la liaison entre la bouchère et l’épicier, ou cette histoire de faux et usage de faux. Certains personnages, pourtant excellents, disparaissent faute de savoir comment les intégrer pleinement dans l’histoire.
Julie Delpy a toujours une fibre comique comme actrice. Également comme réalisatrice mais de façon plus ou moins heureuse, si l’on se souvient du plaisant 2 days in Paris, du sympathique Skylab ou du navrant Lolo. Ici, l’humour repose principalement sur les personnages et des dialogues souvent inspirés. Parfois moins : lorsqu’on refait à plusieurs reprises le gag du Breton qui parle mal anglais, c’est qu’on cède un peu à la facilité.
Cela dit, on s’amuse bien devant cette comédie tantôt vacharde, tantôt acérée. Bien rythmée, plutôt bien filmée, quoique inégalement écrite, elle ne déçoit pas et divertit efficacement le spectateur.