Il se passe un phénomène très curieux avec ce film de Chabrol datant de 1960. Je l'ai eu apprécié la première fois que je l'ai vu vers l'âge de trente ans, à la télé. Là, c'est la deuxième que je le revoie depuis que j'ai le DVD, disons sur un laps de temps de 4 ou 5 ans : étrangement, je ne retrouve plus le "charme", l'intérêt que je lui avais trouvé la première fois.
Chabrol nous met en scène quatre jeunes femmes, vendeuses dans un magasin d'appareils électriques à Paris qui s'emmerdent à cent sous de l'heure devant la faible affluence de clients. Ces quatre jeunes femmes assez différentes l'une de l'autre passent leur temps à rêver à l'amour, à une vie plus réjouissante, à discuter des critères de l'homme idéal. Quatre femmes et quatre visions de la vie différentes.
Mais surtout, les hommes qui tournent autour des jeunes femmes du vieux schnock (le patron du magasin) jusqu'au petit livreur sympa (genre puceau) en passant par les deux play-boys (des minables très lourdingues et très beaufs, toujours en chasse) sont tous présentés comme des prédateurs en puissance.
D'un côté, on pourrait taxer Chabrol de misogynie car il présente les femmes sous un aspect vraiment peu flatteur (et je n'ai pas parlé de la caissière, hors d'âge, qui contemple un talisman inavouable) ; de l'autre, on peut aussi le taxer de misandrie car il n'y a pas un seul homme pour rattraper l'autre. Et d'ailleurs les personnages masculins sont assez insignifiants comme les acteurs. A l'exception de Pierre Bertin dans le rôle du patron libidineux du magasin que j'ai trouvé beaucoup trop cabotin.
Curieuse photographie d'un Paris pendant les trente glorieuses. De quoi donner de belles armes aux féministes d'aujourd'hui "Ah, ma brave dame, vous voyez, même Chabrol le dit"…
Mais qui sont ces quatre "bonnes femmes" ?
D'abord, Bernadette Lafont qui est une habituée chez Chabrol. Elle interprète le personnage de la jeune femme libérée et délurée. Elle n'hésite pas et va au contact. Elle vit, fait la fête même si au fond, elle sait quelle se leurre et va dans le mur.
Ensuite, Stéphane Audran, encore une habituée de Chabrol. Elle rêve de pouvoir sortir par le haut. Pour ça, elle choisit de faire du music hall, en cachette de ses collègues. Là encore, pas évident avec les marloupins qui la dirigent au théâtre …
Lucile Saint-Simon (je ne connais pas) interprète le rôle de la femme qui pense s'en sortir par un mariage. Mais, quand on voit le fiancé, pas gâté, fils de Papa et surtout de Maman, on a compris et on se dit que c'est pas vraiment gagné, non plus …
Et puis, il y a une tendre et sentimentale Clotilde Joano, excellente dans son rôle de femme qui croit aux bons sentiments et à l'amour. Chabrol nous en fait une belle et séduisante photographie en s'appuyant sur son regard à la fois inquiet et chaleureux. On croit enfin suivre Chabrol en route vers la lumière mais c'est mal le connaître …
En conclusion, que dire ?
D'un point de vue scénaristique, il ne se passe quand même pas grand-chose dans le film.
D'un point de vue réalisation, on sent un effet nouvelle vague dans la méthode mais ça reste raisonnable. On peut voir le film sans en être agacé… En bref, ce n'est ni Godard ni Vadim.
Le jeu des actrices est très bon.
C'est un film noir où l'amour n'existe pas et si on croit le trouver, c'est l'amour à mort…
Finalement, c'est un film très noir, qui rend compte d'une société qui, en 1960, s'ennuie et parait "à bout de souffle" …