Ce qui frappe chez Jeff Baena, c'est sa capacité à mélanger les genres avec une facilité déconcertante, une évidente audace et un certain panache. Ce qui est bien dans la plupart de ses films (sauf peut-être Joshy beaucoup plus classique mais attachant malgré tout), c'est que le spectateur ne sait jamais de quoi la scène suivante sera faite. Bringuebalé au grès de récits déréglés, ouverts à toutes les opportunités, du rire aux larmes en passant par de profonds malaises ou des scènes gentiment naïves, mais jamais improvisés (facilité de 95% des réalisateurs et scénaristes de comédies américaines depuis 15 ans), Jeff Baena tisse une œuvre résolument personnelle et originale, certes moins maîtrisée et ostentatoire que celle d'un Wes Anderson mais tout aussi salvatrice et rassurante devant l'amoncellement dangereux de comédies normatives qui inondent les écrans au cinéma comme en VOD.
The Little hours ne déroge pas à la (non) règle du cinéma libre et doucement maboul du réalisateur / scénariste. Cette fois, il s'attaque au Décaméron et en livre une interprétation toute personnelle, transgressive, humaine et bienveillante mais jamais vulgaire. Les nonnes Alison Brie, Kate Micucci, Aubrey Plaza et Molly Shannon sont exceptionnelles, les prêtres John C. Reilly et Fred Armisen, aussi ; bref le casting des habitués du cinéma de Jeff Baena est au complet et comme toujours parfait. Les situations de ce conte moderne et immoral s'enchaînent à un rythme soutenu, dans une sorte de farandole théologique sans cesse étonnante, de fuite en avant philosophique vers le bonheur simple et la liberté, si bien que le spectateur termine le film, hilare et joyeux, comme quand il était petit et qu'on lui faisait la lecture avant de le border.