Filtre magique.
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Androgynie, inceste, yin et yang, points cardinaux, saisons, astres et vents, femmes délaissées, errantes, vengeresses. Le grand problème de l’homme est, nous dit-on, qu’il se souvient. Chaque jour serait comme un début sans ce retour des souvenirs. Aussi est-il question au début du film d’un vin qui fait oublier.
La voix off nous annonce aussi au début que Jupiter domine dans le ciel et que les récoltes sont stériles (en occident la stérilité de la terre est associée plutôt à Mars et à la Canicule). Sur fond de désert, les quêtes qui se succèdent et se superposent semblent en effet bien stériles, dépassées par la puissance du souvenir et du temps que représente une cage de rotin qui tourne et réfracte la lumière. Il est difficile de parler de ce film tant chaque plan est réussi. Les éclairages, les couleurs et les jeux de lumière sont impressionnants. L’écran devient parfois comme une matière liquide, envahi par des couleurs huileuses vertes et bleues sur un fond mordoré, nappes de souvenirs qui s’effacent et se reconstituent. Des voix off s’entrecroisent et se perdent dans un déluge d’effets visuels et de couleurs (magnifique photographie de Christopher Doyle). L’écran peut tout à coup devenir entièrement jaune, la tête d’un cheval et le buste d’un cavalier apparaissant au-dessus d’une ligne séparant comme une dune deux nuances de jaune – suivi d’une horde de cavaliers sortant du désert, en un ralenti et sur une musique de western italien. Un chevalier aveugle les combattra en vain tandis qu’une femme attend, quête sans fin, avec un panier d’œufs et un âne. On ne sait plus si on est chez King Hu, dans le western spaghetti, ou même chez Calvino (qu’y a-t-il après ce désert, demande un personnage ? – un autre désert, répond Feng. Mais pas de villes ici, que des quêtes et des errances dans le temps).
Un film d’une densité incroyable, due à la perfection des plans et à la multiplicité des récits. Un cinéma alchimique (le feu déplace l’or, dit un almanach, à la fin).
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le 25 juin 2021
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