Les chaussons rouges est un film important pour le duo de réalisateur Michael Powell et Emeric Pressburger car l’œuvre s’inscrit dans la période vaste de Powell, avant sa déchéance dans les années 1960 (mais cela est une autre histoire). Ils avaient réalisé précédemment l’incroyable film Le Narcisse Noir. Sorti en 1948, Les chaussons rouges est sûrement un des films les plus modernes et les plus aboutis du réalisateur mais avant d’aborder l’œuvre en détail, un bref synopsis s’impose.


Impresario tyrannique d’une compagnie de danse prestigieuse, Boris Lermontov cherche une muse pour une nouvelle tournée (l’ancienne s’étant mariée, elle est virée sur le champ !). Lors d’une soirée mondaine, il rencontre Victoria Page, une jeune ballerine aristocrate qui souhaite à tout prix intégrer la compagnie. En parallèle, Julian Craster, jeune compositeur prometteur rejoint la troupe.


L’intégration de la musique dans la mise en scène est fabuleuse. En effet, le lien entre la jeune ballerine et le compositeur va être le moteur du film, la quintessence même qui va permettre de lier l’image au son. Le fait que le film se déroule dans une compagnie de théâtre permet au réalisateur d’utiliser la rythmique des musiques mais également des corps avec une scène d’apothéose de 15 minutes au milieu du film absolument formidable. Le scénario métaphorique va ancrer le conte d’Andersen dans la réalité via le travail sur le décor mais également sur les ombres.


Les chaussons rouges est un conte d’Andersen dans lequel une femme récupère des chaussons de danse auprès du « diable » qui la font danser jusqu’à la mort. À partir de ce conte, les réalisateurs vont utiliser plusieurs métaphores pour les lier au film, Lermontov devient le diable, Page la femme bourgeoise ne pouvant s’empêcher de danser et Craster le mari. Mais Powell et Pressburger ne vont pas seulement faire une métaphore du conte, ils vont également l’habiller. Les décors magnifiques naturels et en studio (les fonds de scènes de studio magnifiquement peints comme dans Le Narcisse noir) vont également jouer un rôle important. Ils vont apporter une imagerie onirique, au fur à mesure, les couleurs vont se ternir petit à petit, pour perdre finalement toute leur saveur. Il est intéressant également de noter que la plupart des scènes dans lesquelles Lermontov apparait, Powell montre via sa mise en scène l’aspiration des couleurs du personnage avec des plans montrant le personnage soit dans l’ombre, soit dans un coin de pièce pourtant rempli de joie ou de vie. Et c’est là toute la grande force du film, c’est la douceur et en même temps la violence à l’intérieur de cette troupe de danseurs via la mise en scène et les décors.


Certains plans expérimentaux à l’époque (rappelons que nous sommes en 1948) ne vieillissent pas avec les années et cela montre la modernité de ce film et l’avance qu’il a eu sur son temps. Pour conclure, Les chaussons rouges est sûrement un des meilleurs films de danse existant, souvent copié (à l’exemple de Black Swan,Darren Aronofsky,2010) mais rarement égalé, une œuvre parfaite pour découvrir un des plus grands duos de réalisateurs anglais : du grand cinéma tout simplement !

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le 5 sept. 2020

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