Une métaphore aboyante et visionnaire

En revoyant ce film aujourd'hui, je mesure le chemin parcouru par l'évolution de la société française, c'est très bien vu avec cette satire mordante (sans jeu de mot) et implacable de la société des années 70.

Après Traitement de choc en 1973 qui avait déja interrogé sur le danger des cures douteuses, Alain Jessua aborde un sujet presque dystopique avec cet effrayant constat sécuritaire qui pourrissait déja la société. C'est un film très en avance sur son temps qui plus de 40 ans après sa réalisation, signalait ce qui est devenu une préoccupation majeure dans la France d'aujourd'hui : l'insécurité, la peur de l'agression et du viol, et ce n'est pas les multiples attaques au couteau qu'on voit exposées sur les chaînes d'info chaque jour, qui vont hélas dire le contraire.

Sous forme de thriller aux abords un peu fantastiques par moments, Jessua livre un constat édifiant d'un malaise social dont le fond peut déranger ou inquiéter, car derrière un petit paradis résidentiel se dissimulent une sorte de crainte urbaine et une peur primale de la différence et de la voyouterie car les étrangers et les petits délinquants sont stigmatisés. Il dénonce aussi les abus d'auto-justice, la France des années 70 n'est pas le Far West, la légitime défense passe par les chiens certes, mais avec mesure. Mais les chiens rassurent, sauvent et protègent leurs propriétaires, ils sont les vecteurs de la violence humaine, un peu comme dans le film de Sam Fuller, Dressé pour tuer qui allait beaucoup plus loin puisque le chien dressé s'en prenait aux Noirs.

Jessua empiète un peu sur les plate-bandes d'Yves Boisset, nul doute que si Boisset s'était emparé d'un tel sujet, son propos aurait été plus féroce, plus percutant, appuyé sans doute par un aspect plus sournois de la violence. Mais en l'état, le film est suffisamment subversif. Le casting est à la hauteur, Lanoux, Calfan sont parfaits, mais Depardieu est carrément grandiose dans un rôle trouble de dresseur de molosses, à la limite de la folie qu'il sait nuancer en ne donnant pas l'image du facho bourrin mais d'un ambigu dresseur qui apporte une solution aux inquiétudes des habitants. Et pourtant, il avait refusé le rôle, mais peu après, il se fera attaquer et mordre par un chien qui l'enverra 2 jours à l'hôpital, ce qui lui fera changer d'avis. Quant aux séquences d'attaques et d'agressions canines, elles sont très réalistes et bien réglées.

Pour accentuer le côté moderniste urbain et un peu futuriste (l'époque n'étant pas située), le tournage a eu lieu à Torcy, sous-préfecture de Seine-et-Marne, dans des décors résidentiels assez modernes en construction. Voila donc un film qui peut provoquer une réflexion, en marge d'un certain cinéma français des années 70, un brûlot qui n'a pas eu l'impact qu'il aurait dû avoir à sa sortie et qui reste méconnu ; nul doute que s'il sortait de nos jours, il serait accusé d'extrémisme ou de provocation. A découvrir.

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le 23 juin 2024

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Ugly

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