Tournage vers Marne-la-vallée, bien avant que Walt Disney n'y emménage. Bouffé par l'insécurité, les habitants d'une petite ville possèdent presque tous des chiens, dressés pour défendre. Le viol d'une jeune-femme n'a fait que valider la mesure. Certains sont contre, d'autres en ont fait leur commerce. Ici en dresseur, Gérard Depardieu ne vit que pour ses bêtes, dans la campagne environnante. Les conflits politiques, s'il s'en mêle, ont l'air de le blaser, y compris quand un médecin incarné par Victor Lanoux (Louis La Brocante himself, ici excellent) vient assister à ses cours.
Allégorie urbaine sur l'autodéfense, Les Chiens conserve une force intacte après bientôt 40 ans grâce à la sobriété d'Alain Jessua, metteur en scène quelque peu oublié pour qui le cinéma made in France ne se résume pas à quelques dialogues intellos déclamés entre quatre murs. Les mots ont leur importance mais le décor aussi, et il est souvent vide, tapi dans l'ombre, menaçant car familier. Plus proche de la chronique quotidienne que du thriller social, le long-métrage en impose par la seule force de son sujet, les images de cette petite ville peuplée par le meilleur ami de l'homme maintenant la curiosité en éveil.
S'il souffre d'un vrai manque de rythme interne, le film réussit l'essentiel : brasser une ambiance lourde et planter son décor dans un drôle d'univers alternatif où des animaux dressés pour combattre la peur sont les acteurs forcés d'une vaste entreprise d'intimidation. Défi logistique et film français qui en a, Les Chiens méritait bien sa superbe affiche, lugubre et racée.