Certaines personnes ont la capacité, le talent, de signer leur grand acte en une fois. Cela concerne également le cinéma, avec des réalisateurs qui produisent UN grand film, et parfois même leur premier : c'est notamment le cas de Christophe Barratier, avec "Les choristes", sorti en 2004.
Pierre Morhange est un grand musicien. Il reçoit la visite d'un ancien ami et camarade de pension, Pépinot, qui lui rapport un livre écrit par un de leur ancien surveillant. Les deux lisent ensemble l'histoire.
1949 : Clément Mathieu est un compositeur de musique sans succès, qui devient surveillant dans le pensionnat pour enfant à problèmes appelé "Fond de l'étang", dirigé par le très dur et rude Rachin, secondé par Chabert. Très vite mis sous pression par le directeur et les enfants, Mathieu va réussir à assoupir les différentes relations grâce à sa passion, en trouvant un talent caché parmi ces enfants...
Christophe Barratier réussit un coup de maitre pour son premier long-métrage, avec un film dur, montrant la difficulté d'éduquer des enfants à problèmes qui sont sans amour, surtout au lendemain d'un événement traumatisant pour tout le monde, à savoir l'Occupation. Le scénario est rythmé, et profondément touchant : les relations entre Mathieu et les enfants, et spécialement deux d'entre eux, à savoir le chanteur Morhange d'une part et le chouchou Pépinot d'autre part, est superbe (la scène de fin est magnifique), et cela concerne également sa potentielle histoire d'amour avec une femme ayant son importance dans le récit. Nommé pour 8 Césars en 2005, le film ne doit se contenter que des récompenses "sonores" (Césars du Meilleur Son et de la Meilleure Musique Originale), mais il a également eu le privilège et le mérite de représenter la France à l'international, aux Oscars et aux BAFTA.
Qui n'a pas appris "Vois sur ton chemin" à l'école depuis les années 2000 ? Qui n'a pas grandi en ayant les 6 ou 7 chansons cultes du film en tête ? Cette composition signée Bruno Coulais est magistrale, touchante, envoutante, et reste en tête à vie, avec en prime la chanson "Vois sur ton chemin", nommée à l'Oscar (!!!) de la Meilleure Chanson originale en 2005. La musique est le sujet central du film, mais également son point fort. Les chansons sont espacées, les scènes musicales s'imprègnent parfaitement dans le récit, et les paroles sont superbes.
Ce film montre la dure réalité de la vie lorsqu'on est dans l'incapacité de réussir ses rêves, et l'affirmation selon laquelle il faut se raccrocher à la vie et aux petites choses, aux petits plaisirs qu'elle offre. Mathieu rêve de grandeur avec sa musique, mais la seule grandeur qu'il obtiendra, c'est le fait d'avoir partagé sa passion avec des enfants en difficulté, qui s'en souviendront toute leur vie, et en parleront pour certains 50 ans après. Il retrouve le sourire pendant une brève période, et le partage, aussi bien aux enfants qu'à certains membres de l'équipe pédagogique du pensionnat. Il parvient à changer brièvement les choses, à son échelle, et cela fait du bien.
Le film est porté par un casting merveilleux. Gérard Jugnot (Clément Mathieu dans le film), que l'on avait l'habitude de voir dans les comédies cultes du Splendid, joue certainement l'un des rôles les plus touchants de sa carrière, et François Berléand interprète cet effroyable directeur à la perfection. Les deux acteurs ont largement mérité leur nomination, respectivement au César du Meilleur Acteur pour Jugnot et du Meilleur Acteur dans un Second rôle pour Berléand, et aurait largement mérité de remporter le prix. A côté de cela, tous les seconds rôles (Kad Merad, Jean-Paul Bonnaire, Marie Bunel...) et les enfants s'en sortent également tous très bien. On retiendra évidemment pour les enfants les magnifiques prestations de Jean-Baptiste Maunier (Morhange), avec sa magnifique voix, et de Maxence Perrin (Pépinot), qui joue surement le personnage le plus mignon, voire touchant du film, et aussi celle de Grégory Gatignol, qui interprète au contraire l'un des rôles les plus rudes du film.
"Les choristes" est partagé par la rudesse et la tendresse de son propos. La musique est effectivement parfois un rêve qu'on ne peut atteindre. Mais au-delà de ce rêve inatteignable, il peut également s'agir d'une porte de sortie, d'un réconfort indescriptible, permettant de remonter la pente... et d'aider des gamins... oubliés, égarés... Ce film, et notamment son final, est porteur d'espoir. Les paroles de la chanson "Vois sur ton chemin", placée au centre du film, résument à elles seules le propos du réalisateur. Le but est d'être là pour les gens, les mener vers d'autres lendemains... Grâce à cette chanson, on sent "l'onde d'espoir".