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Dans Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait, dernier film d’Emmanuel Mouret, il y a bien les choses qu’on dit, à outrance, et pour les choses qu’on fait, c’est discutable.
Nous suivons deux heures durant, les récits amoureux fractionnés que Maxime et Daphné se racontent mutuellement. Mettant en jeu, des personnages secondaires tels que François, Sandra, Louise, etc., la construction narrative n’en n’est pas moins intéressante. Elle entraine en effet la succession de flashbacks, alternant une fois la vie sentimentale de Maxime, une fois celle de Daphné, et ces flashbacks qui se convoquent entre eux permettent à Emmanuel Mouret d’amener sa longue réflexion sur l’amour, ses plaisirs qui passent et ses désirs qui naissent.
Pour une critique qui ne retiendrait que le positif il faudrait s’arrêter là, en mentionnant tout de même une mise en scène globalement juste, parfois frappée de génie – notamment une scène où le personnage de Louise, interprété par Emilie Dequenne, qui, réalisant la mort symbolique de son mariage, traverse le cadre, allant du premier plan au dernier, éteint progressivement toutes les lumières de la maison, jusqu’aux chandelles d’un diner romantique avorté.


Cependant, il y a bien des aspects à aborder pour en pointer le négatif. En premier lieu, le scénario.
Le premier reproche, et pas des moindre, qu’il pourrait être fait à Emmanuel Mouret, scénariste de son film, est son côté bavard voire sur-écrit. A trop vouloir parler, il en noie son spectateur et avec ses envolées lyriques sur l’amour et le désamour, le film laisse en bouche un goût de snobisme littéraire qui souvent ennuie et parfois agace. Au-delà de cette surabondance de mots, l’irréalisme des personnages et de leurs conditions alimente le cliché du cinéma mélodramatique français. Pas étonnant pour un cinéaste diplômé en réalisation de la Fémis, école dont on connait la réputation de faiseur d’élitistes purs produits de la capitale. Emmanuel Mouret place son film entre Paris et la Province (où en Province, on l’ignore et on s’en moque vraisemblablement). Il y fait exister des personnages issus du monde artistique et intellectuel parisien : un architecte, une monteuse, une artiste peintre, un écrivain raté recyclé en traducteur. Surprise de constater que c’est sans doute grâce à leur salaire d’intermittents du spectacle ou de leurs arts qu’ils peuvent tous se permettre de vivre dans de beaux appartements haussmanniens la semaine et de grandes maisons de campagnes le weekend. Ce cadre peu réaliste accompagne des personnages qui semblent survoler leurs propres vies, complètement passifs, des clichés tout droits sortis de mauvaises comédies romantiques.


Parler des personnages amène à aborder les acteurs et leur jeu, ce qui constitue mon deuxième reproche. Emmanuel Mouret leur refuse tout naturalisme, optant pour une direction très théâtrale pour tenter de donner vie à son dense scénario. Là encore, il ne fait pas taire celui qui criera au cliché du drame français. Ce parti prit ne sert que l’irréalisme installé par le cadre et ses personnages bidimensionnels et rajoute à des dialogues bien trop présents un côté récité qui devient très vite lourd à écouter. Toutes les émotions éprouvées, et il y en a, sont énoncées, aucune ou presque ne passe par la notion purement cinématographique du « show don’t tell » (littéralement, montrer sans parler) et de fait, les comédiens n’ont aucune place pour s’exprimer réellement.


Pour conclure par une pure supposition simplement fondée sur mon ressenti tout au long du film concernant le denier point que je vais aborder. Il semblerait que ce soit joué au montage et notamment au montage sonore un moment décisif. En effet, la saturation de morceaux de musiques classiques, qui du début à la fin ne cessent de s’enchainer, mène à penser que voyant la faiblesse du pathos de son film (à cause des éléments que j’ai pu évoquer), Emmanuel Mouret n’a eu de choix que d’accabler son spectateur de l’intégrale d’un répertoire classique de base en guise de rattrapage. Ce qui, à mon goût, n’ajoute rien d’autre qu’encore plus de niaiserie et de faux sentiments à un film qui n’en n’a pas besoin.

Luciecbr
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le 28 oct. 2020

Critique lue 513 fois

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