Il est des films qui demandent une rigueur d'ascète, une forme de stoïcisme qui n'a plus cours et qu'on n'exhume de nos os que par la force du verbe. Ce dernier film d'Emmanuel Mouret en fait partie. On frôle la purge pendant les trente premières minutes, et j'ai dû verbaliser tout haut "il faut lui donner sa chance" pour que cette pensée devienne performative.
Que ça sonne faux, que c'est ringard, ces dialogues sur-écrits et récités ! Ces longs monologues à mi-voix sur l'Amour, regard sur l'horizon, voix basse et dos tourné aux interlocuteurs dans une pièce bondée… La lutte contre l'ennui est intense, celle des classes est aux abonnés absents : des étudiants s'achètent des appartements luxueux dans les premiers arrondissements de Paris, y invitent un pote à crécher "sans s'en faire pour l'argent". Et puis, si tôt partis en province (charmante et bucolique), ils investissent des demeures de maître somptueuses et décorées avec goût. On n'a pas une seule seconde envie d'y croire.
Et puis. Et puis… De guerre lasse peut-être, le ronflement satisfait des Choses qu'on dit, les choses qu'on fait trouve son rythme, fait écho dans le spectateur qui a jeté les armes. Une fois abandonnée la lutte, on se met à comprendre - pas tout à fait à apprécier - ce film d'amour courtois qui brandit l'Amour comme une valeur cardinale digne de tous les débats, de tous les triangles. La géométrie des couples, tiraillés par la tension délicate des passions insolubles, imprime dans le tissu de nos consciences un motif transcendant. Ou peut-être est-ce l'interprétation habitée de Camélia Jordana qui finit par nous émouvoir ? On se prend à s'attacher à ces niaiseries qui évoquent le temps perdu (mais illusoire) où le cœur régissait l'ordre du monde.