Au plus fort de la Seconde Guerre mondiale, alors que le monde est en feu, que le sang et les larmes semblent constituer l’horizon commun, un producteur audacieux (Joseph L. Mankiewicz) ose confier l’adaptation le roman d’Archibald J. Cronin (1941) au vieux routier des mélodrames John M. Stahl.
Un jeune orphelin catholique est tiraillé entre une vocation religieuse naissante et la promesse faite à une jeune fille... Un destin cruel et la direction spirituelle bienveillante d’un vieux prêtre (excellent Edmund Gwenn) le conduisent au séminaire, puis en Chine impériale. Le jeune écossais vouera sa vie à une petite église, une école de jeunes filles et un dispensaire. Intègre, il refusera de monnayer ses baptêmes ou de céder aux pressions.
John M. Stahl sait faire. C’est fort classique, mais rigoureux. On voyage, on sourit, on frémit.
Gregory Peck porte le film sur ses larges épaules. Bien qu’objectivement trop jeune, trop beau, trop grand pour incarner l’abbé Chisholm, son jeu, tout empreint de sa réserve habituelle, fait ici merveille. Il obtint sa première nomination aux oscars, qu’il remportera en 1962 avec le rôle d'Atticus Finch dans Du Silence et des Ombres.
Il semble donc possible d’être prêtre et chaste, missionnaire et tolérant, ressortissant d’une puissance impériale et doux et humble de coeur. Le scénario n’élude pas les difficultés, les incompréhensions et jalousies de ses proches, la guerre civile, la corruption et la solitude. Au soir de sa vie, Chisholm ne se connaîtra que peu d’amis, un athée assassiné, une religieuse longtemps hostile, un mandarin confucéen et un domestique enjoué. C’est peu, mais suffisant.
P. S. : Pour la petite histoire, le roman a été jugé suffisamment célèbre, en 1953, pour intégrer, en seconde position, la collection du Livre de Poche. Les trois premiers sont :
1 - Koenigsmark, de Pierre Benoit ;
2 - Les clés du royaume, d’A. J. Cronin ;
3 - Vol de nuit, d’Antoine de Saint-Exupéry (Depuis, Saint-Ex a rejoint la collection Folio).