Gorō Miyazaki adapte un roman de l’univers fantastique d’Ursula K. Le Guin. Dans un passé lointain, notre âge de bronze, une société s’est épanouie sur un archipel océanique. Le Guin est la plus taoiste des romancières américaines. Le monde vivant est instable, car soumis à l’action de deux forces opposées, la première lumineuse, la seconde sombre. L’épidémie et la maladie sont les réponses naturelles à un trop plein de vie. La transgression ultime serait de s’affranchir du cycle de la vie et de la mort. Le maintien de cet équilibre vital est confié aux mages. Seul ces derniers connaissent les « Noms Véritables » des éléments, des animaux et éventuellement des hommes, qui leur donnent le pouvoir de les commander. La mission d’Épervier, l’archimage nomade, est le maintien de l’équilibre entre le yin et le yang. Sa règle : intervenir le moins possible.
Arren est fils de roi et héritier d’une lignée de mages. Contrairement au personnage du roman, il a tué son père, dans un accès de colère qu’il ne comprend pas. Depuis, il se fuit. Il fuit la mort qui le ronge et la rage qui sommeille en lui et s’insinue dans ses rêves morbides. Or, Terremer est en péril : le sorcier Aranéide est en passe d’accéder à l’immortalité. Épervier se prépare à l’affronter. Il sauve Arren. Quel parti prendra le jeune prince ? La mort qui le ronge ou l’immortalité qui détruit ?
Objectivement, pour les non-initiés aux arcanes de Madame Le Guen ou du Tao, le film est d’un abord difficile. Goro Miyazaki ne craint pas la lenteur. Arren laboure. La jeune Téru chante. La belle Tenar cuisine.
Du niveau des dernières productions de son père, le dessin est magnifique. Pour une première œuvre, il bénéficie du savoir-faire et des budgets de Ghibli. Il est bon d’être fils d’un père riche et adulé. La nature et les villes sont somptueuses. Émerveillés, nous découvrons un monde hellénistique en déclin, les vestiges colossaux et peints de Pergame, d’Alexandrie ou de Babylone. Je ne me lasse pas d’admirer les épaves échouées de galions de haut-bord, les colonnades ruinées des temples, de déambuler dans les dédales des marchés orientaux aux mille fragrances... J’y retourne.