Adaptation d'une série de romans écrits par Ursula Le Guin, "Les contes de Terremer" est le premier film du fils de Hayao Miyazaki, Goro. Il nous narre l'aventure initiatique de Arren, jeune prince torturé après que celui-ci ai tué son père dans un acces de folie. Sur son chemin, il croisera Épervier, un magicien qui lui servira de guide et de mentor, ainsi que Therru, jeune fille avec qui il se nouera d'amitié. Il devra enfin affronter Arachnéide, un magicien androgyne et dangereux, et surtout ses propres démons. Échec critique retentissant, le film a été descendu en flèche, allant jusqu'à être qualifié de plus mauvais film d'animation de l'année au Japon. Mérite t-il ce titre ? Je ne pense pas, bien qu'il soit indéniable que cette oeuvre manque de quelques éléments essentiels pour en faire un film vraiment bon.
Quand on adapte des romans, il est nécessaire de faire des coupes dans le récit original pour faire tenir l'histoire sur une durée correcte. Or, dans Les contes de Terremer, ces coupes provoquent sans doute aucun un très fort sentiment d'inachevé. On devine que le film n'a pu que gratter la surface et que Terremer est bien plus vaste, comme on devine que bien des mystères nous sont cachés dans le film. Par exemple, les personnages ne cessent de parler de la "Balance". Nous devinons qu'il s'agit de quelque chose permettant la vie sur terre, mais nous n'avons aucun moyen d'en savoir plus, ni pourquoi sa perturbation fait disparaitre la magie du monde. En fait, pendant tout le film, nous nous posons des questions qui ne trouvent jamais réponse. La principale étant : pourquoi Therru se transforme soudain en dragon à cet instant précis, sans aucun signe avant-coureur ? Cette transformation permet des images magnifiques, mais à aucun moment nous n'avons d'explication sur ce mystere, ce qui donne une impression de final facile. C'est bien dommage. La façon dont le récit est amené est en réalité le principal défaut de ce film d'animation. Manquant de cohérence dans son rythme, il enchaîne moments trop rapides (comme quand Therru commence à apprécier Arren alors qu'elle le haissait une minute auparavent. La relation entre les deux héros étant particulièrement mal traitée ici.) et longueurs. On retrouve cette même dichotomie au niveau des décors. Tantôt superbes, comme en ville, tantôt minimalistes (les champs), on enchaine entre travail impeccable et vide visuel...
Enfin, on sent que le fils a été très influençé par le travail de son père, sans réussir à l'égaler et sans en avoir la passion, au final, les références sont multiples, mais le film manque vraiment de personnalité. Dommage, mais cette fois, je suis indulgente. Apres tout, Goro n'a jamais voulu faire de l'animation... ce n'est pas simple d'être le fils de Miyazaki.
Malgré ses gros défauts, le film se laisse pourtant suivre et distille quelques messages particulièrement intéressants, ainsi que des personnages torturés relativement bien définis. Ainsi, le film propose une réflexion sur la vie et la mort, et surtout la peur de celle-ci à travers le personnage d'Arren. Celui-ci est si angoissé qu'en refusant l'idée de sa mort, il en a oublié de vivre. Devenu instable, il a laissé derrière lui sa part de lumière... son humanité. Prêt à basculer dans la noirceur pour atteindre l'immortalité, il lui faudra comprendre la notion même de cycle de la vie et accepter ce destin. Arren comprend alors que l'on ne peut avoir la vie sans la mort, et que par conséquent, c'est bel et bien de cette première qu'il a peur, et non de cette dernière. Il sera alors prêt à enfin vivre réellement sa vie. Ce personnage, sans être excessivement attachant, n'en demeure pas moins intéressant. Son évolution est visible et nette.
À côté de cet aspect positif, on peut noter quelques idées de mise en scène originales, telles que les vues subjectives, très rares dans le cinéma d'animation. Sans égaler la mise en scène de son père, Giro propose une animation fluide et belle. Notons aussi la musique qui, si elle s'oublie apres le visionnage, n'en demeure pas loin épique et soutient l'action impeccablement.
Ainsi, il demeure très évident que "Les contes de Terremer" n'est pas un film abouti. Néanmoins, il n'est sans doute pas aussi mauvais que la critique japonaise a bien voulu le présenter, d'autant que les circonstances de sa réalisation et le poids sur les épaules du jeune réalisateur n'ont sans doute pas dû aider.