(limin. : vu dans le cadre d'une Cinexpérience, l'échange avec le réalisateur induit probablement un biais dans mon appréciation de ce film)
Les Cowboys, premier film du scénariste des principaux Jacques Audiard, a les défauts de ses qualités : minutieusement construit dans la tête de son auteur, il m'a longtemps laissé un peu sur le bord du chemin, faute de comprendre les motivations des personnages.
Thomas Bidegain revendique le choix d'une exposition elliptique, qui se réduit à quelques minutes de danse et de chant dans un festival country, qui s'achève par l’événement qui "problématise" l'heure et demie qui va suivre :
Kelly, la fille, a disparu et, (on va vite le savoir) est partie pour le jihad. Son père, accompagné de son petit frère, se lance donc éperdument à sa recherche, au prix de son foyer et de sa santé mentale. Le petit frère prendra, à mi-film, le relais du père, et ses recherches le mèneront à la maturité bien avant les retrouvailles, silencieuses mais intenses, avec sa soeur.
La volonté d'éviter une exposition lourdingue (il est vrai devenue systématique dans tout blockbuster qui se respecte) est louable, mais réclame d'exploiter avec beaucoup de justesse les quelques minutes qu'on y consacre. Suggérer est un art difficile, un exercice d'équilibre qui demande une maîtrise considérable de son média, puisqu'il s'agit d'estimer le plus justement possible ce que des inconnus (les spectacteurs) vont retirer de ce qu'on choisit de montrer et de taire.
Dans mon cas, l'exercice est raté, les quelques minutes consacrées à cette famille (unie ? fragile ? heureuse ? aliénée ?) dansant la valse et le quadrille ne me disent rien, ou pas assez, des relations qu'entretiennent réellement ses membres. Et je vais trainer comme un boulet ce manque de contexte pendant toute la première partie du film : l'acharnement du père, le mutisme du fils qui l'accompagne partout, l'evanescence de la mère me sont incompréhensibles, ce qui m'emêche de développer l'empathie nécessaire pour m'intéresser vraiment à ce qu'ils font.
Le jeu des acteurs (j'ai eu du mal avec François Damiens) ne permet pas de rattraper cet écueil, et il me faudra attendre que le film se recentre sur le fils adulte (avec cette fois un acteur excellent) pour rattraper le fil et le conserver jusqu'au bout.
Il y a, pour le reste, beaucoup de bonnes choses dans Les Cowboys : une réalisation qui gagne en ampleur au même rythme que son récit, un casting cohérent, et un propos d'une grande épaisseur sous ses airs de quête initiatique. Mais cet excès de confiance dans son scénario lui coûte (à mon grand regret) des mots plus élogieux que : pas mal.