Bon qu'on soit clair, aborder les derniers Cronenberg n'est pas une tâche aisée.
Nous savons que, comme certains réalisateurs, la carrière de Cronenberg se divise en deux parties. La première et son body horror et la seconde qui expérimente le terrain de la violence sans trop mêler le corps.
C'est avec beaucoup de surprise et de curiosité qu'on observe le cinéaste revenir sur ses fondamentaux : le corps.
Sauf que voila, déjà il y avait beaucoup d'appréhensions qui se sont confirmées et en même temps il est difficile de ne pas saisir l'occasion d'être acerbe. Pour tout ceux ayant visionné Cosmopolis savent à quel point toute affirmation hâtive peut être faillible. Combien de personnes ont craché sur ce film alors qu'avec du temps le film est tout à fait cohérent et intéressant ? Alors certes la cohérence ne suffit pas à le qualifier de bon film, pour moi il reste au mieux moyen.
Et qu'en est-il d'un Cronenberg qui reviendrait à ses origines ? Trêve de conditionnel, on a tous vu le résultat, et plusieurs choses nous sautent aux yeux.
Première appréhension confirmée : aseptisation de la chair qui est pourtant l'obsession première du cinéaste. Celle-ci est réduite à du numérique désamorçant toute viscéralité.
Deuxième appréhension confirmée : Réitération de la philosophie Cronenbergienne et de ses obsessions. Ici le terme prend une dimension péjorative. Puisque nous verrons ici strictement rien de nouveau, rien qui n'a pas déjà été traité (en mieux) dans ses précédents films. Et pour cause la fin m'a laissé pantois tant je pensais qu'il restait encore 1h au film.
Troisième appréhension confirmée : cabotinage de l'actorat qui, par manque d'inspiration de Cronenberg, s'obstine à répéter les mêmes expressions de guignols jusqu'à les surligner ostentatoirement. Mais cette appréhension est étroitement liée à la seconde. Eh oui, Cronenberg a perdu tout sens de sensualité, il ne sait plus filmer du sexe déviant. Où est notre Vaughan qui caresse avec lenteur presque méditative sa bagnole qui exaucera son orgasme ultime ? Et même, soyons sérieux 5 secondes, les scènes de sexe entre Deborah Kara Unger et James Spader dans Crash ne sont elles pas les plus belles jamais filmées au cinéma ? Cronenberg est parvenu à embellir le faciès (peu attirant à la base), les traits du visage de sa muse comme peu d'artistes ont réussi. Le visage de Deborah est inoubliable.
Eh dans Les Crimes du futur on a quoi ? Le seul truc un tantinet sensuel c'est la danse d'un ectomorphe qui s'est greffé 50 oreilles sur le corps. Et on en fait quoi de Léa Seydoux et de Kristen Stewart ? Stewart nom de Dieu ! C'était l'occasion pour elle et pour le réalisateur de soutirer sa valeur ajoutée à la manière d'un Kechiche qui fait parfaitement jouer à Seydoux la bourgeoise (étant donné qu'elle est issue de ce milieu). C'est simple, tout comme Stewart, Seydoux est désincarnée. Alors certes c'est un peu le sujet du film, mais on va arrêter d'accepter tout et n'importe quoi sinon ça donnerait lieu à de la fainéantise, banalité voire même des effets de style vains.
Mais tout ça au final pour dire une chose qui ne cesse de se répéter de nos jours comme on a pu le voir récemment avec Verhoeven ou Desplechin qu'est l'écosystème néfaste des cinéastes. Combien de réalisateurs des années 80-90 se reposent sur leurs lauriers de nos jours, produisant dès lors des autocaricatures ? Il y en a pléthore même ceux pour lesquels je voue un culte comme Apichatpong Weerasethakul et son Memoria dont le principal problème était, à l'instar de Nostalghia de Tarkovski, l'extirpation de leurs racines qui évide tout inspiration (petit coucou à mon frère John Woo). Peut-être était-ce volontaire pour Joe, l'uniformisation des décors étant au diapason avec le point de vue opté, peut-être que le cinéaste thaïlandais cherchait à creuser dans l'essence des choses en partant ex nihilo, soit. Quant à Tarkovski, il cherchait à retrouver ses racines sur les terres étrangères.
Et Cronenberg a-t-il retrouvé ses racines ?
Non, car elles sont mortes.