C'est ainsi que les hommes vivent... et meurent
Les Damnés est un film qui défie les classifications. Ce n’est pas véritablement un film de guerre, mais plutôt un regard intériorisé sur un épisode de la vie (et de la mort…) de soldats en mission de reconnaissance pendant la guerre de sécession, isolés dans un territoire inamical au cœur de nulle part.
L'œuvre offre une réflexion profonde sur l'engagement et ses conséquences sur notre manière d’être au monde, sur notre humanité. Au cœur du récit, les soldats nordistes, égarés dans l'hiver des Rocheuses, font face à un adversaire quasi invisible mais dont les tirs mortels peuvent surgir à tout instant. Ils se retrouvent ainsi confrontés à une alternative existentielle ancestrale, animale: tuer ou être tués. Le plan fixe du prologue, inattendu, prend alors tout son sens.
Le film se distingue par son minimalisme assumé : peu d'action, une bande sonore épurée, des dialogues sobres qui s'apparentent le plus souvent à des monologues intérieurs. Cette sobriété conduit la nature à devenir un personnage à part entière, à la fois présente et indifférente Témoin silencieux de la « folie des hommes ». Ce silence, cette paix peut être brisé sans préavis, par les détonations sèches des armes à feu, créant une menace de tout les moments.
La mise en scène instaure un rythme qui lui est propre et qui suspend le temps, à l'image de cette halte « suspendue » en territoire hostile. On se surprend à perdre la notion du temps, absorbé par la contemplation et l’introspection, à être surpris du « clap de fin ». En l'absence de dialogues habituels, notre voix intérieure prend le relais, tandis que nous nous laissons captiver par la beauté sauvage de ces paysages qui, en d'autres circonstances, nous trouverions hospitaliers.
Le film des Damnés puise sa force dans son apparente faiblesse, le dépouillement. C'est une œuvre qui parle de nous, « pauvres humains », avec un mélange subtil de détachement et de compassion. Plus qu'un film à regarder, c'est une expérience à vivre et à intérioriser…