1928, année historique du marin en goguette au cinéma, six mois après Hawks, c'est Sternberg qui s'y colle, avec cette vision si caractéristique des libations et divertissements nécessaires au dur au grand coeur qui vient de passer la traversée à suer dans la soute et qui a une soirée seulement pour faire le plein d'émotions à New-York avant de repartir à Shanghai ou à Singapour...
Les troquets sont remplis de filles tristes au coeur qu'on voudrait assez vaste pour recueillir tous les marins du monde, et tant pis pour celles qui ne sauraient s'adapter au rythme terrifiant des voyages éternels de ces bourrus égoïstes et belliqueux, un rond se dessine si facilement dans l'eau sombre des docks déserts...
ici, nous avons un formidable George Bancroft en brute indestructible qui a l'idée saugrenue de repêcher une nuit la petite et délicieuse Betty Compson, histoire de la faire sécher dans le caboulot interlope le plus proche.
C'est fou d'ailleurs comme le muet regorge de monstres physiques, quand j'y pense, Wallace Beery, Victor McLaglen, même Charles Farrell pour la version angélique du truc, c'est assez fascinant, surtout opposé aux miniatures délicates que sont les Gaynor, Gish ou autres Pickford choisies pour leur donner la réplique.
Le réceptacle à matelots ivres est ici merveilleusement rendu avec sa tenancière fortement charpentée et son assistant sosie du Willem Dafoe de la Vie aquatique, il y a un vague méchant vicieux pour la touche mélodramatique mais l'important est ailleurs, comme toujours et il faut le boire à même le tonneau, très vite, avant de repartir au large.