La Bretagne, vacances de Février, milieu des eighties. Repas familial chez Tonton Alain. Dehors, il pleut et il fait froid.
Une fois le repas terminé, les estomacs repus, les petits somnolants et les adultes avinés, il faut bien trouver une occupation. Mamie va faire une sieste. Quelqu'un installe le monopoly alors qu'à la cuisine s'organise un Scrabble. Les plus jeunes sont posés devant la télé. De mon âge, dix, onze ans, je suis tout seul et je m'emmerde. Mon tonton Alain m'emmène dans une pièce de sa maison que je ne connaissais pas jusqu'alors. Un canapé qui a l'air très confortable, un autre téléviseur, un magnétoscope, une petite table basse, et sur tout les murs, des étagères et dans ces étagères, des dizaines, des centaines, peut-être des milliers de K7 vidéos. J'avais jamais vu ça de ma courte vie de passionné de films. Après m'avoir interdit certains rayonnages, il me donna libre-choix en me laissant seul. Ce fut Les Dents de la Mer, prit sur une des étagères interdites, of course.
Je ressentis alors le Vrai premier choc cinématographique de ma vie. Qui sera bientôt suivi de nombreux autres (Platoon, Le Vieux Fusil, Terminator, Massacre à la Tronçonneuse n'en sont que quelques exemples) mais celui-ci restera à jamais le Premier.
Je me souviens m'être surpris à la fin du film, je n'avais pas eu peur, si ce n'était pour les personnages. Simplement, cette histoire de requin était magistrale, et sans doute définitive, en tout cas à mes yeux d'enfant... Et à vrai dire toujours maintenant.
Ni ses suites, qui s'enfonceront de plus en plus dans les tréfonds du ridicule, ni ses ersatzs, bons ou mauvais, ni-même son matériau d'origine, le piètre roman d'amour adultère sur fond de "requinade" de P. Benchley, lu quelques temps plus tard, n'arrivent à sa cheville, je veux dire sa nageoire caudale.
Spielberg n'aura gardé du roman que le requin, ou presque. Il aura en tout cas enlevé la majeure partie d'une intrigue gênante digne d'un B. Cartland.
Le rythme est idéalement maîtrisé, alternants moments forts, marquants et des scènes plus intimistes permettant aux personnages d'exister.
Si les plus secondaires restent au niveau du cliché (Mme Brody, le maire véreux, l'adjoint sympa mais un peu benêt), leurs interprétations sont parfaites. Et que dire du casting aux petits oignons des trois principaux personnages. Roy Scheider en tête, il Est le Chef Brody, pour l'éternité. R. Shaw est impressionnant de présence et le talent naturel de R. Dreyfuss apporte une touche de coolitude bienvenue à son "mossieu" Hooper.
Vu les moyens de l'époque, les frissons viennent plus de la suggestion que des effets visuels, et Spielberg fait très fort à ce niveau là (la première attaque nocturne, le ponton). Et lorsque les effets spéciaux entrent en jeu, ils sont excellents (encore maintenant), toutes les versions de Bruce (nom donné au requin par l'équipe du film) sont criantes de véracité... Non je déconne là ! Il s'agirait plutôt de voracité. Néanmoins il reste impressionnant.
Et puis la musique (et pas seulement le Pom-pom-pom, thème principal)... et puis si, quand même ce thème principal !
Pom-pOm-PoM......