Trembler [verbe intransitif] : Être agité d'une succession rapide de petites secousses, de petites oscillation / Être parcouru d’une série de légers mouvements convulsifs provoqués par la fièvre, le froid, ou par une violente émotion. Synon. frémir, osciller, remuer, trémuler, vibrer.
Le Caire est une ville qui tremble. Pas comme Mexico, non, pas dans ses murs, mais l’effet est un peu le même. Sans que rien de tectonique ne vienne l’expliquer. Vivre au Caire c’est vivre dans le flou, se faire aux angles estompés, se laisser enfin aller aux lignes ondulantes. C’est accepter la douceur du sable qui sans cesse sur le sable dégringole, s’échappant de l’interstice de nos deux mains pourtant serrées, accepter la douceur du temps qui s’est figé à force de ne pas passer.
Penser au Caire c’est comme sur une vitre trop froide souffler : un léger nuage de buée se forme, où tous les possibles coexistent, puis se déforme, et disparait. Le Caire est la cité du trouble par excellence, grosse goutte d’encre se diluant sans hâte dans une coupelle d’eau calme, la cité de l’étonnement sans heurts, où le merveilleux n’aura jamais paru si naturel, le fantastique si quotidien, et l’incompréhensible si logique. Les bruits dans les rues se mêlent, comme les corps se frôlent, comme les époques se fondent l’une dans l’autre. Sans ostentation. Sans s’en rendre compte. Par glissements progressifs, une simple soie qui glisse, aussi douce et fugace que l’empreinte des souvenirs.
Filmer le Caire est une gageure, car tout là bas est déjà de l’ordre du cinéma. Filmer le Caire est un défi car tout là bas est déjà de l’ordre du mythe. Peut-on rêver regard plus profond que celui que reflète le Nil, le soir à la brune. Quand dans la brume du crépuscule se mêlent en violets vacillants les ombres des tombeaux et les voix des corbeaux. Même la mort là bas est une caresse. Et la nuit un baiser. Domaine des fantômes, domaine des frissons. Le Caire est une ville qui tremble.