Benêts blancs et Blancs benêts
Oeuvre honnie par son créateur, laissons-lui d'ailleurs la parole : «La pire merde que j'ai tourné en vingt ans» ou encore «Cinquante ans dans ce putain de métier et j'arrive à quoi ? Diriger deux moumoutes sourdingues!»
Les deux «moumoutes sourdingues» en question sont James Stewart et Richard Widmark, qui, on est ravi de l'apprendre, avaient des problèmes capillaires et auditifs. Bref, passons.
Moi bizarrement ça me donne vachement envie ce genre de phrases. Et comme j'avais un excellent souvenir du film et que je connais la modestie proverbiale de John Ford, j'étais pas des masses inquiet.
D'aucuns expliquent la haine de Ford pour les Deux Cavaliers because un de ses meilleurs amis (et un de ses acteurs de prédilection), Ward Bond, est mort au moment du tournage (même s'il n'y participait pas). Sans faire dans la psychologie à deux balles, ça se tient comme explication.
Parce que sinon y'a pas de quoi être énervé tout rouge. Le film est très bien (même si j'en connais qui se sont endormis aux toilettes pendant la projection...).
Ford reprend le thème de la Prisonnière du désert, à savoir des Blancs à la recherche de proches enlevés des années auparavant par des Comanches.
Pour ce faire, ils font appel à l'armée qui, elle, fait appel à un shérif ripoux (excellent Jimmy Stewart, qui cabotine comme jamais) habitué à trafiquer avec les Indiens.
Grande scène de grosse puterie dans laquelle Stewart extorque tout ce qu'il peut d'argent aux pauvres colons désespérés. C'est cruel à souhait, un régal.
A l'arrivée, les bons Blancs repoussent les rares sauvages ramenés au camp. On l'aura compris, ça c'est pour le côté sérieux, genre j'ai un message à faire passer tout ça : ode contre le racisme, blablabla.
Film sombre s'il en est, la dépression de Ford ne l'a pas empêché de truffer les Deux Cavaliers de ses habituels moments de pur bonheur. Ça chante, ça fait des blagues, ça parle cul (et pas qu'un peu), ça fait dans le pas propre. Il a même rajouté des gimmicks sympas (cf la boîte à musique).
Comme quoi l'alcool (dans lequel John Ford avait allègrement replongé sur la tournage), ça a parfois du bon. Et c'est pas cette vieille sacoche de Torpenn qui dira le contraire.