Morts au champ d'honneur.
Opération sursis. Mission est donné au commandant John Reisman de recruter une douzaine de prisonniers américains et de les former en six mois afin d'accomplir un objectif spécifié page suivante, au contenu secret.
Quand Aldrich se met à parler de la guerre, l'on peut s'attendre à quelque chose d'incisif. Mais là, cela dépasse beaucoup de choses. À l'aube du débarquement en Normandie, les alliés apprennent qu'un jeu d'Etat-Major devra avoir lieu dans un riche château français, la crème de l'Etat-Major régional sera là pour jouer à la guerre avec des petits soldats de plombs et des chars en bois peint. Le tout agrémenté d'un nombre relativement important de femmes de moyenne vertu. L'objectif, en tuer le plus grand nombre possible afin de désorganiser le commandement allemand. Pour pareille missions suicide, il faut des suicidaires et l'Etat-Major allié n'a rien trouvé de mieux que d'aller ramasser des condamnés à mort dans ses prisons pour faire le job, en échange d'un sursis (qui se transformera vite en pardon). Ces douze tueurs, racketteurs, violeurs, pervers ou pauvres types s'étant retrouvés au mauvais endroit au mauvais moment voir tout simplement asociaux ou même débiles sont commandés par John Reisman (Lee Marvin), un officier bouillant peu amène et pas du genre à respecter un ordre à la lettre s'il le considère stupide. Et puis lui non plus n'a pas le choix. Pour seconder le tout, un sergent de la MP (Bowren) aussi salaud que les types supposés être surveillés, campé par un Richard Jeckael en pleine forme.
Servi par un casting d'enfer (Marvin, Jeckael, Bronson, Jim Brown, un John Cassavetes éblouissant en Victor Franco, Telly Savalas le pervers, Donald Sutherland le bizarre sous exploité, Robert Ryan, Ernest Borgnine le général salaud aux répliques qui tuent et j'en oublie probablement), une BO discrète, les douze salopards est un film sans concession sur la guerre et ceux qui la font. Tous sont des salopards et il ne faut guère de temps pour se demander qui sont les vrais salopards. Ces prisonniers sortis de taule pour un dernier coup tordu, ou ceux qui les en ont fait sortir, n'hésitant pas à user de manipulation (technique du bouc émissaire afin de créer l'esprit de corps), du châtiment collectif. Ces gens, versés sans en avoir véritablement le choix dans ce commando disciplinaire, n'ont en vérité aucune raison de vivre et on ne leur en donnera aucune si ce n'est un pardon illusoire, juste une de mourir au service d'autre chose, d'une fin crade et de moyens dégueulasses pour y parvenir. Dépassés par une guerre qu'ils sont incapable de comprendre, les salopards, jugés inutiles et bons à exécuter en temps de paix, et parfaitement recyclables en temps de guerre, n'ont plus qu'à penser à leurs camarades récents et faire le sale boulot, car leur groupe est au dessus de leur misérable personne, ils n'existent pour ainsi dire pas et mourront très cyniquement au champ d'honneur, à faire exploser des gens dans une cave.
Plus qu'un simple film de guerre, les douze salopards est un ancêtre en mieux, dans un autre registre, de Starship Troopers, film où Verhoeven se livrera à un exercice à peu près similaire bien qu'en plus évident (mais tout aussi jouissif, le comique étant là utilisé au service de la critique). Ici par contre point de comique, juste des indésirables envoyés au Diable par un fou à lier situé très haut dans la hiérarchie.