Antérieur à la Nouvelle Vague et ses expérimentations narratives, le cinéma Français a par le passé connu un premier âge d’or, une génération de production cinématographique impactant l’esthétique du Cinéma mondial. Le « Réalisme Poétique », ainsi défini par la récurrence thématique et visuelle de ses productions, se caractérisait comme un Cinéma profondément social; une représentation réaliste et profondément poétique, stylisée et lyrique de la société française.
De ses figures est resté comme tête d’affiche Jean Renoir, mais aussi d’autres cinéastes comme Jean Vigo, Julien Duvivier et également Marcel Carné. De la collaboration de ce dernier avec le poète Jacques Prévert naquit plusieurs classiques du genre, dont l’un des plus atypiques, une vaste superproduction dramatique avec le monde artistique comme mise en abyme : Les Enfants du Paradis.
Production des plus compliquée, cette grande fresque de plus de trois heures représente la quintessence de ce courant cinématographique. Inspirée d’une galerie de personnages ayant réellement existé, reproduisant avec soin le Paris du XIXe siècle, le film de Marcel Carné se définit par un impact visuel et esthétique du milieu social qu’il traite : celui du milieu artistique parisien. Loin de la vision profondément cynique d’un Balzac où toute interaction humaine n’est que rapport d’intérêt et d’arrivisme, Carné décrit une vie Parisienne profondément vivante, peuplée d’individus profondément imparfait mais animée par un désir similaire de beauté. L’inspiration artistique et la quête d’amour de ces personnages permettent à Carné de poser le socle poétique de son film, ce qui en définit sa grande force et produit cette impressionnante atmosphère de féerie et de poésie : l’écriture sublime de Jacques Prévert. La mise en scène de Carné, soignée mais relativement sobre, met en avant ses acteurs et la qualité de leurs dialogues, servis avec soin par des décors et costumes visuellement et artistiquement magnifiques.
Tournée en pleine occupation Allemande, Les Enfant du Paradis est un hymne d’amour à la France ; le récit d’une grande histoire d’amour comme symbole du raffinement de l’esprit français.
Sergio Leone disait d’Ingmar Bergman qu’il ne faisait pas de Cinéma, mais qu’il en usait pour faire de la littérature. Reprenant cette expression à mon compte, je dirais de Marcel Carné qu’il ne faisait pas de Cinéma également, mais qu’il en usait pour faire de la poésie…