Sourire rendu à une mère noyée.
Je voulais conserver une longue note de réflexion pour moi-même concernant ce film, dont le sujet s'agrippe à certaines de mes artères, mais j'ai fait l'erreur de balayer rapidement du clique la multitude des critiques faite sur ce film. J'ai été consterné.
Je vais faire l'imbécile dissident pour que de nombreuses personnes décampent en dépréciant ma critique fissa: j'en ai rien à foutre du visuel (de toute façon personne n'a l'air d'accord: "classique ou plus vrai que le réel, trop synthétique ou trop mirifique"), la musique remplie ses fonctions traditionnelles d'exaltation et patata point barre, les émotions viennent du traitement du sujet et ce sujet nom de dieu de bordel de merde c'est le RÔLE D'UNE MÈRE!
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Enfin nous y voilà. Hosoda nous livre peut-être ici son premier véritable film. En fier détenteur de son propre studio, le réalisateur semble enfin capable de s'adonner à l'exécution d'une oeuvre provenant de ses tripes plutôt que de sa matière grise de nerd impartial (cf Summer Wars, je n'évoque même pas La traversée du temps que j'ai presque vomi).
Le film est l'histoire d'une vie, fantastique et décrite comme un conte de fée, de loin supérieure à ce dernier, car au constat humain: la Joie qui est celle de la Mère accomplie.
Le rôle de la mère. Un sujet qui m'a toujours horrifié, révulsé, fait tourner de l'oeil. Une chose que j'ai toujours voulu éviter. Un thème qui parvient à être transcendé dans cet animé.
À qui est en âge de chercher une réponse à une question qu'il méprise comme la caducité, à quel enfant veut s'écorcher à apprendre la triste et magnifique raison de vivre d'un parent, et surtout à la vivre, ce film est une réponse. Une chouette réponse puisque le film traite avec une poétique douceur certaines horreurs apparemment insurmontables.
Peut-on faire un lien avec un poème baudelairien quant au statut de la mère vis-à-vis de ses enfants, démons destructeurs lorsqu'ils en viennent à se battre? " […] car l'enfant est turbulent, égoïste, sans douceur et sans patience, et il ne peut même pas, comme le pur animal, comme le chien ou le chat, servir de confident aux douleurs solitaires". Ces enfants sauvages sont effectivement trop occupés par leur dualité, leur instabilité incontrôlable, qu'ils écartent la douleur de la mère, qui semble reléguée au second plan, alors qu'elle reste la pièce maitresse de l'épanouissement de leur vie. C'est d'ailleurs pour cela que le film porte le nom de ses enfants: ceux qu'elle a réussi à faire vivre, après qu'elle ait profité de sa vie de couple.
Cette vie de couple est la deuxième partie concernant Hana, car je l'ai déjà dit, on a l'histoire d'une vie, jusqu'au zénith de sa réussite. On retrouve la vie d'étudiante (les premières difficultés), de femme (le bonheur de l'union, l'égoïsme pour deux, le foyer, le milieu d'une vie, l'objet de la quête simple de l'homme encore libre). Puis cette étape finale, l'accomplissement de la dévote, enseigner tout ce qu'il faut à ses enfants avant qu'ils fassent leurs choix, qu'ils partent vers leur indépendance spirituelle. C'est tout le labeur d'Hana, les patates qu'elle plante, la maison de campagne qu'elle rénove, le travail et les livres qu'elle a choisis, la vie recluse enfin: tout n'est que fonction de sa progéniture. L'hybridité des enfants n'est qu'une grande colline, une marche rendue plus difficile avant le salut, une satisfaction décuplée à l'arrivée, un littéral enchantement. C'est très joliment mis en scène par Hosoda:
La narration par la voix unique de la fille Yuki laisse présager une fin des événements tragique. Ceci n'est pas une naïveté de la part du nippon.
Au contraire peut-être, le spectateur hagard tentera de se préparer à une fin malheureuse, à un autre départ masculin, dans la mort ou dans l'espace, à une désillusion complète du conte. C'était donc finement joué. Car certes il y a départ du fils, et c'est la plus belle des victoires. Les deux enfants, même s'ils choisissent des vies (qui ne nous regarderont plus d'ailleurs) opposées, sont enfin dans l'état d'équilibre qui paraissait impossible à la veuve mélancolique et sacrificielle. Comment rendre cette Victoire palpable au spectateur? Ce rire. Ce rire en catimini, incontrôlable et fugitif. Rire tranché par le noir du générique. Expiration brève et légère du Bonheur, finalité anodine comme une montagne.
Sublime éloge à la mère donc, ainsi qu'un joli fragment d'une vie complète.
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