Dans sa cartographie onirique et son douloureux réel, Singapour absorbe solitude et aliénation. Territoires mouvants d’un polar insomniaque. C’est une plongée onirique dans les chantiers d’aménagement du littoral à Singapour qui nous confronte au quotidien pénible des travailleurs migrants, dans la sable, le bruit… nous naviguons entre réalité sociale et film noir , entre rêve et insomnie… parce que le rêve permet de fuir la réalité , transforme la vie .. Yeo Siew Hua écrit que le film est la somme de ces « impressions sur cette île » qui a été aménagée, qui ne cesse de s’agrandir. J'ai été sensible à cette dimension onirique, cette dimension imaginaire qui prend le pas sur une réalité bien difficile, celle de ces travailleurs immigrés de toutes nationalités qui sont exploités , précarisés sur ces gigantesques chantiers , vivant avec la peur de disparaître ...anonymes. J’ai lu une interview où Yeo Siew Hua expliquait que c’est son propre vécu de Singapour où il se sent à la fois chez lui et étranger et que son film cherche à « humaniser et partager leurs rêves et espoirs » , car rêver donne la possibilité « de changer ». D’un point de vue cinématographique, le fait d’utiliser différents genres était fait pour inviter le spectateur « à participer à la résolution de l’énigme » , à vivre du dedans ce labyrinthe mental : le film noir pour créer une ambiance (la plupart des scènes étant nocturnes) , le drame social pour transmettre l’émotion, l’univers fantasmatique avec la dimension du rêve et les changements de temporalités.