La nouvelle fresque en 3 époques signée Jia Zhangke, après A Touch of Sin et Au-delà des montagnes, est relativement surprenante. Moins ambitieuse a priori, moins violente, moins ample et toute empreinte d'une certaine sérénité désabusée. Pour autant, le cinéaste chinois est fidèle à ses thématiques d'historien contemporain de son pays, enregistrant ses mutations dans une narration affutée qui ménage de très belles ellipses. En définitive, autant que l'aspect social, c'est le récit romanesque qui séduit dans Les éternels, mené de main en maître, avec subtilité, avec au passage un portrait de femme superbe tour à tour soumise, défaite puis émancipée (c'est un peu plus complexe que cela, mais c'est l'idée générale). Cette héroïne est incarnée par la propre épouse du réalisateur, Zhao Tao, époustouflante. Elle personnifie avec grâce, autorité mais aussi avec ses failles une Chine nouvelle, peut-être un peu rêvée, où le sexe faible remplacerait le fort, usé et défaillant. Par rapport à ces films précédents, Jia Zhangke semble faire preuve de davantage de maturité, s'affranchissant des excès scorsesiens qui impressionnaient mais faisaient un peu oublier la profondeur de son cinéma. Les éternels semble moins brillant en surface mais il a davantage de poids et de densité tout en continuant à émerveiller par sa virtuosité esthétique.