Vous reprendrez bien un peu de cinéma de genre français ? Pour la fin de l’année nous sommes de nouveau gâté d’une énième initiative ne concluant même pas une année faste pour le cinéma français fantastique, horrifique ou autre. Entre d’amères déceptions sentant le réchauffé ou d’immenses surprises tutoyant déjà les plus grosses cérémonies de récompense, le film du jour se situe lui dans une case plus spéciale tant malgré les mois de digestion il m’est encore délicat d’entièrement poser des mots sur mon appréciation ou non de ce réel OFNI. Objet Filmique Non Identifié pour les intimes, qui loin d’être un passe-partout aux pires expérimentations est surtout une manière de décrire la forme de prise de risque, de ton comme de forme, qu’a choisit d’opter Noémie Merlant, actrice fantastique et depuis plus de 5 ans réelle étoile montante du cinéma français, mais aussi ici réalisatrice après le joli mais un peu surfait Mi Iubita mon amour. Surfait sera peut-être le dernier mot pour caractériser Les Femmes au Balcon, qui derrière sa prémisse déjà vue, voire dans l’ère du temps, à base d’émancipation féminine entre dénonciation de violences masculine, décide rajouter une couche de genre, de fantastique et d’horreur, mais aussi d’une mise en scène loin d’une quelconque platitude, à l’auré d’un pur délire grand guignol. Le pari est-il réussi pour autant ? Peut-être que oui, à vrai dire je ne saurai pas entièrement répondre à cette question, mais la folie d’une telle proposition, aussi bancale que réjouissante, mérite quoiqu’il en soit le coup d’oeil.
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Conseil personnel voyez le film avant, pas de spoils majeurs mais je me doit de révéler certains éléments cachés par la promotion, le film mérite à mon avis d’être découvert le plus vierge possible.
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Bien que le cinéma de genre français continue de se déployer de jour en jour, il est tout de même chouette, étrange, cocasse (à vous de voir) que ce dernier se démarque presque continuellement d’autres systèmes de production hors de l’hexagone, américain en premier lieu. Là où le cinéma bis y a encore bonne presse, ou du moins, un héritage conséquent et de fervents adeptes et héritiers de Carpenter, Joe Dante ou encore Roger Corman. En France même les folies furieuses d’une Coralie Fargeat s’accompagnent d’un sous-texte plus que considérable, inhérent à chaque séquence, et d’une tonalité dramatique renforçant la gravité de certaines scènes en dehors du cachet horrifique, tantôt exténuant, tantôt hilarant. Même le bis et récent « 37 – l’ombre de la proie » se démarque d’un système de production ricain, qu’il tente pourtant de singer, cherchant certes l’efficacité de la forme plus que du fond, mais avec un sous-texte perceptible très élaboré, prenant de plus en plus d’espace dans la dramaturgie de l’intrigue et surtout des différents effets de suspens voire d’horreur mis en place. C’est par ce biais que Les Femmes au Balcon pique ma curiosité, car la thématique principale avait tout pour créer le désir de réaliser un film lourd, accablant et purement premier degré, à la manière du récent (et à mon sens abominable) Blink Twice, alors que cette dernier va aller chercher du côté du bis, oui, mais surtout d’un sous-genre purement américain de la comédie, à savoir le stoner movie. Incarné par des têtes de file reconnaissable entre mille tels que Judd Appatow ou encore Seth Rogen, le stoner movie est un sous-genre que je qualifierai de gras, grossier, parfois franchissant même les limites du trash comme chez Gregg Araki, ce sont des longs-métrages ne cherchant pas fondamentalement à choquer mais désirant proposer un humour purement adulte, mal poli et exprimant en sous-texte le franchissement d’un bon nombre de barrières morales. Donc oui comme dirait un ami que j’estime pourtant beaucoup, ça pète, ça hurle et ça couine, mais résumer la démarche de Noémie Merlant à ça serait pour ma part assez réducteur et injuste, bien que l’humour de son film ne soit clairement pas le plus raffiné, ce qui est plus un constat qu’un défaut en soit. Pour autant là où certains ne font que recycler (ou pour rester dans un langage impoli, remâcher) des blagues beaufs et autres situations gênante pour la beauté du geste, d’autres créent par cette vulgarité un port étendard politique pas foncièrement subtile mais poussant le curseur de l’intelligence à un degré souvent inattendu. Et c’est exactement la surprise que créé Les Femmes au balcon, qui derrière ce simple apparat de la commune (et à la longue un peu exaspérante) émancipation féminine, entre autres dénonciations de violences faites au femme, revendique cette grossièreté, cette furieuse folie bien loin des clichés proprets d’une barbie aimable, assez polie pour tenir la porte et dire bonjour aux invités. Là non, on leur cri dessus aux invités (ou plutôt ici, les spectateurs), on leur jure à la gueule et exige le droit d’être grosse, de s’épanouir dans le sexe, de draguer, de s’habiller comme une « pétasse » (ou Marilyne Monroe), de se foutre des paillettes sur le visage et de changer cedit maquillage entre deux scènes comme si de rien n’était. Et là où le film devient du coup, assez fort, c’est que la scène de violence, elle arrive comme une interruption, elle vient noircir cette fête et l’innocence de ces dames voulant profiter innocemment des charmes de leur homologue masculin. La comédie romantique à la Almodovar se noircit brusquement, en gardant ce jeu constant avec les mœurs d’aujourd’hui, en y inculquant constamment une grande part d’absurdité inhérente au scénario, pour cependant faire basculer le tout dans des tropes d’écriture issus de l’horreur, du slasher au film de maison hanté, en passant par le revenge movie. Une prémisse toutefois assumée et présagée dès le début du long-métrage, débutant par le meurtre d’un mari par sa femme, non loin de l’appartement de nos protagonistes, comme si le long-métrage bouclait, en montrant non pas la vengeance, mais cette-fois la défense de ces femmes, détournant le cinéma dit, de genre, non pas dans ces codes d’écriture, mais de point de vue, en faisant rayonner ce qu’on peut appeler la féminité.
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Ce ne sera dans ma bouche pas forcément un reproche, plus un constat, mais Les Femmes au Balcon peut être relié à une branche de cinéma qu’on peut décrire comme « misandre », l’inverse de la misogynie. La recrudescence de ce terme s’aligne avec une libération de la parole des femmes sur plusieurs années, décennies et même millénaires d’oppressions, de violences et de généralisations de stéréotypes que certaines considèrent ancrées dans l’ADN des hommes. La question est ici non pas de définir si oui ou non ce point de vue est juste, mais il est adopté par Noémie Merlant, ou du moins, il vient totalement détourner des codes d’hypersexualisation, de violence horrifique, dans un contexte de féminité et je dirais même de sororité entre ses personnages. Contrairement à ce que je pensais, Les Femmes au Balcon parvient à aller plus loin dans son discours, qui vient embaumer chaque plan sans pour autant désamorcer les qualités d’écriture qu’on pourrait appeler « standards », particulièrement car Noémie Merlant sait gérer ses références au cinéma d’horreur et à la comédie, bousculant continuellement la tonalité de son intrigue, gardant un côté burlesque assumé, mais se permettant autant d’effroi que de moments pathétiques ou sincèrement tragiques. Pour autant si le développement de ces héroïnes me paraît plutôt remarquable, certains points, eux, font patiner le reste du long-métrage, en particulier lorsqu’il s’agit de caricaturer la gente masculine et de porter le développement de l’écriture aux personnages secondaires, en dehors du trio principal, que ce soit des rôles tertiaires ou de ce voisin qui vous réserve quelques surprises. Plus précisément, mon problème si je devais être simpliste c’est que le film est co-scénarisé par Céline Sciamma, j’adore Céline Sciamma, elle fait de grands films, mais là, elle réussit à dépasser le niveau de subtilité tractopelle quand il s’agit de parler de violences conjugales et faites au femme. Le problème n’est pas qu’elle passe par un dialogue ultra explicatif, à la limite du tract en fin de film, mais que ce dispositif vient rompre tout l’aspect mal poli du film, pour en revenir à une sorte d’académisme propret, voire à un manichéisme lui esthétiquement bien plus embarrassant. Car évidemment que nuancer le viol n’est pas quelque chose de fondamentalement moral, aussi que remettre en cause le comportement de ses victimes ne serait à aucun instant la solution, cependant le lien entre ces deux personnages, les hommes et les femmes, devient juste ultra binaire, l’un est ignorant et l’autre apporte la bonne parole. Cela donne l’impression que Noémie Merlant et Céline Sciamma se sont coincé dans une impasse, ne pouvant pas décemment, au vu de leurs convictions personnelles, assumer un héritage Tarantinesque (notamment dans Boulevard de la mort) jouant plus sur la vengeance presque bête et méchante, là où les deux autrices cherchent à être didactique ; à emmener leur œuvre au-delà de la simple bourrinerie de série B. Sauf que le choix final est sur l’écran, et fait tomber Les Femmes au Balcon dans un récit moralisateur, et le sentiment de catharsis, de détournement de codes misogynes de la série B vers les hommes les ayant instaurés devient juste bête et moins méchant qu’escompté, plutôt convenu, sans le mordant que déversait sans pudeur le reste du long-métrage sur chacun de ses personnages. C’est dommage car comme dit plus haut faire un film misandre n’est pas foncièrement quelque chose de mal, je dirai même qu’en voyant les débats houleux sur The Substance, et sa potentielle hypocrisie, que la ligne est fine entre les discriminations allant d’un côté ou de l’autre, mais ce que je regrette, c’est que Les Femmes au balcon préfère être dans l’ère du temps, plutôt que purement réactionnaire. Pas que je pense Noémie Merlant capable de s’abaisser à de telles standards d’idiotie, mais son film aurait été bien plus piquant, cruel (surtout pour nous, messieurs), singulier et même féministe s’il avait assumé sa liberté de ton, voire son mauvais goût et sa caricature d’une société patriarcale pour totalement imposer sur la fin son propre broyage, quitte à tous nous dépeindre comme les derniers des salauds. Car au-delà de la catharsis, il manque peut-être ce pur esprit de colère que laisse les injustice, dans une représailles finale qui n’arrive pas vraiment, comme une cocotte minute qu’on ne laisse pas exploser, finissant dans une sorte de mollesse pour moi problématique, dissonante avec le reste du métrage, comme si le duo Sciammant/Merlant cherchait à protéger coûte que coûte leurs héroïnes brisés. Le résultat est que dans mon entourage, le film énerve plus pour ce qu’il représente que ce qu’il est, pas tant pour le film mal élevé, clivant et jusqu’au boutiste qu’il cherche à être, mais plus pour son message, son fond, qui présente une quasi rengaine pas ou peu dépassée dans sa finalité, comme si le duo avait eu le cul entre deux chaises ou n’avaient simplement pas trouvé le juste milieu d’un récit offrant peut-être juste trop d’un cou. Car sans trop en dire, les sous-genres de l’horreur sont nombreux, se multiplient mais finissent pas être, d’après moi, trop simplement réduits à leur conceptualisation, leurs tropes, bien qu’amenés à un niveau d’extravagance qu’on croirait presque incontrôlable. Pour en revenir à la moralité du récit, ce qui m’attriste un peu, voire me déçoit à ce niveau, est bien plus que la subversion souhaitée par ces deux autrices n’atteigne pas le sommet escompté, s’arrête en plein milieu pour en revenir à un intérêt général ironiquement moins salvateur que les idées d’écritures et autres dialogues dévergondés à la limite du kamikaze.
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Bref, Les Femmes au Balcon est à la fois un vent de fraîcheur et une occasion manquée, un film qui brille autant par son ton débridé qu’il est lourd dans son traitement thématique, cependant, ce qui sauve le film du naufrage, bien qu’il pourrait encore plus l’y enfoncer pour certains, c’est dans sa mise en scène. Je faisais un petit aparté sur le cinéma bis, et comme quoi il est malgré tout rare de voir de purs films d’exploitation dans notre cinéma de genre hexagonal, cherchant toujours à y apporter une marque d’auteur, dans le fond comme la forme. Un film récent, lui aussi par ailleurs distribué par Tandem, avait pourtant réussit à se rapprocher de cette mouvance bis, encore rayonnante aux États-Unis, en privilégiant la frousse la plus primaire, dans une mise en scène et un scénario crescendo plus proche du tour de train fantôme, mêlant terreur et adrénaline, à savoir Vermines. Ici, bien que le fond soit encore plus présent que dans le long-métrage de Sébastian Vanicek, la logique est assez similaire, au détail près que la réalisatrice ne fait pas que simplement multiplier les sueurs froides, en partie car le ton et le genre opté par Noémie Merlant change constamment, dans une fluidité et fièvre désarmante, bordant la personnalité de ses personnages, et surtout sa caméra. Une caméra qui, comme presque jamais dans le cinéma de genre français, tente, ose, se loupe souvent, mais parvient plus que de raison à offrir son lot de moments iconiques, resplendissants, terrifiants, hilarants ou juste inspirants. Les Femmes au balcon est un véritable terreau d’expérimentations, un laboratoire tranchant totalement avec la plénitude et le classicisme de Mi Iubita mon Amour (la première réalisation de Noémie Merlant), son film commençant notamment par un long plan séquence parcourant le terrain de jeu de la réalisatrice, ce quartier marseillais, dans des mouvements alambiqués menée tambour battant par une chansonnette fredonnée par une voix faussement innocente. Le ton est donné, on va voir un long-métrage aussi exubérant dans sans écriture que dans son image, en mode yolo comme disent les jeunes. Je n’y ai pas pensé au visionnage mais c’est après coup que j’ai pu rapprocher la mise en scène de Merlant à celle d’un autre réalisateur, le plus fou d’entre eux, à savoir le japonais Takashi Miike. Impossible de résumer le gloubi-boulga que compose sa filmographie de plus de 100 films (oui oui, 100 films), mais le monsieur s’est imposé dans le milieu comme l’un des metteurs en scène les plus créatif, tordu et imprévisible du 7e art, avec des films mêlant l’ultraviolence, l’humour pire qu’absurde, et surtout cette mise en scène, libre tout aussi déroutante que le reste, avec des choix de cadre, des concepts ou tout simplement des idées de mise en scène qui posent question quand à la présence d’un producteur sobre à un quelconque instant du processus filmique. Et ce serait peu dire que tout n’est pas réussit dans Les Femmes au Balcon, et il y a pour moi un gouffre séparant notamment deux idées de travelling, l’un en extrême contre-plongée, capturant à peine le visage de Merlant sous le ciel bleu et uniforme de Marseille m’a paru très, trop chaotique, mal amené et même peu lisible ; puis en arrive un autre, où nos jeunes femmes sont poursuivies par [vous verrez], dans un travelling cette-fois de face, allant à reculons, avec des petites oscillations reflétant bien plus ce chaos ambiant, nonobstant d’après gueule de bois. Deux mêmes idées de mise en scène, traitée avec un angle radicalement différent, un résultat pour moi diamétralement opposé, mais avec cette même idée et envie de retranscrire la fièvre et la fureur que traversent les personnages, leur sentiment d’oppression dans une situation à la fois cruelle et totalement acadabrantesque, avec un degré d’initiatives pas loin du kamikaze, mais qui renouvelle constamment le plaisir de visionnage. Même les scènes de discussion sont toujours sur-découpé, centrées sur le faciès des personnages, pour maintenant le rythme, le sentiment d’être déboussolé et le ressenti des héroïnes à moitié accablé par une situation de plus en plus pesante, en quasi roue libre. Au final, le tout devient un plaisir un peu gras, peu subtile, mais allant de pair avec le reste de l’écriture, du ton, entre autres qualités qu’entretient assez habilement et sans peur du ridicule le long-métrage.
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En fait pour en revenir à mon point de départ sur la série B, je pense que c’est une impasse, de chercher dans le cinéma français, et d’attendre de ce dernier, qu’il singe plus que de raison les codes de ses aînés pour retrouver une formule ayant fait ses preuves. Dans Les Femmes au Balcon, la base est là, mais encore plus qu’avec Vermines, il y a un twist, et ici c’est la mise en scène, qui vient épouser la fureur, les grossièretés et autres outrances du script dans un geste pour le moins pas banal, peut-être même encore plus politique que son tract final, mais aussi effectivement, plus hasardeux dans ses réussites et échecs esthétiques. Cependant je dois avouer avoir une réelle accroche pour les longs-métrages clivants, car c’est rare dans leur cas de se retrouver avec des objets fades, et Noémie Merlant, justement, ne tombe jamais dans la platitude, son film respire le kitsch, tout dans l’univers graphique est là pour nous rappeler des influences plus ou moins consciente, allant de la colorimétrie d’un Almodovar jusqu’à cette coupe réincarnant la figure sulfureuse de Marilyn Monroe. Dans une forme de divertissement pulp et bourrin, elle même caractérisé par les références plus ou moins voyantes et perverties, c’est par ailleurs peut-être derrière ce qui reste un apparat que se cache une des plus belles et fortes scènes de cette année, car en un plan fixe, Noémie Merlant, Souheila Yacoub et Sandra Codreanu se retrouvent ensemble, sur l’interface cam-girl de Ruby, dans un geste d’humanité d’une simplicité telle, qu’elle devient remarquable face à la débauche d’effets qu’entretenait jusque-là la réalisatrice. Pas pour dire qu’au final, rien ne vaut la subtilité et la sobriété, mais que le long-métrage se révèle aussi tout à fait capable, dans sa forme de montagne russe, de contenir des freins, des pauses, des moments faussement calmes qui font pourtant ressortir les plus grands frissons ; mais aussi tout le fond du film. Film jouant constamment avec cette esprit de cassure, changeant de ton ad nauseam, là où on ne l’attend pas, avec toujours cette absurdité allant jusqu’à infecter la caméra dans une imprévisibilité déconcertante, mais qui devient petit à petit réjouissante ; en pétant (lol) tous les cadres et règles de style et d’écriture, qui se retranscrit aussi à l’image, quasi extension du texte. Là où on peut féliciter, quoiqu’on pense du film, l’équipe technique, artistique ou autre, c’est que du montage au casting, du travail de la lumière aux dialogues, tout est à la même tonalité burlesque et outrancière jouant constamment au quitte ou double. Ce, dans une cohésion plutôt admirable et qui a plus que tendance à faire mouche, en particulier du côté du casting, qui à partir de cette fameuse scène citée plus-haut, fait repartir sur des rails plus humains l’intrigue, lui donnant plus de chaire et une émotion plus palpable. Le trio de tête déjà admirablement caractérisé arrive à être d’une incroyable alchimie malgré leurs personnalités parfois opposées, on a presque l’impression de voir un film fait par une bande de copines (ce qui est peu ou prou le cas), tant malgré la balourdise de certaines répliques, en particulier plusieurs gags à la lourdeur plus ou moins explicite mais d’après moi délivrée avec un talent tout particulier. Principalement car à la manière de cette mise en scène s’alignant à la folie du scripte, les personnages plient les dialogues à leur sauce, avec une intonation qui leur correspond, et c’est particulièrement remarquable quand il s’agit de parler sexualité, avec une Souheila Yacoub plus que sûre d’elle et à côté une Sandra Cordreanu peinant à « trancher dans le vif » (histoire de ne rien spoiler). Il y a un plaisir grossier, mais aussi presque enfantin qui ressort de ce film, venant plus de l’image, sa mise en valeur dans le montage, mais aussi la quasi candeur avec laquelle Noémie Merlant et son équipe intercale chaque liberté de ton, chaque passage de mauvais goût, chaque mouvement de caméra, chaque costume ou maquillage, avec une candeur assez salvatrice. Plus que de ne pas y voir du cynisme, j’y vois un quasi enchantement, un conte morbide s’autorisant tout avec comme seul garde fou la suspension d’incrédulité permise par les composants cinématographiques, et surtout un décalage constant, comme si Marseille était un temps devenu Absurdie, avec des situations et un humour parfois à la limite du cartoon faisant valdinguer le bon goût là où parfois, se cache des moments génialement hilarant redynamisant la question de l’émancipation féminine.
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Les Femmes au Balcon ne laissera personne indifférent, et si c’est parfois pour des raisons discutable, en particulier son message sur-appuyé et perdant la puissance et singularité escomptée, il reste que ce pari quitte ou double est une belle surprise. Une belle surprise car on était je pense peu à attendre Noémie Merlant sur ce terrain-là, et que si son film est plus imparfait que clivant, il reste d’une inventivité à toute épreuve, comme un laboratoire d’expérimentations qui hurle sa marque « genre » à une France ayant encore trop tendance à intellectualiser ce que certains appréhendent comme de l’exploitation de série B ; mais les séries B ne sont pas juste du divertissement vide et sans âme, et pour le pire et surtout le meilleur, Noémie Merlant le rappelle sans broncher. On ne peut être en tout cas qu’impatient de voir ce que la dame proposera plus tard avec un meilleur équilibre de tous les processus esthétiques, ce qui est peut-être un détail fasse au plaisir non dissimulé que j’ai su entretenir tout le long de Les Femmes au Balcon, et dont je ne sais même pas si j’ai su retranscrire l’entièreté de mon ressenti.