Non, Les Femmes du bus 678 n'est pas un remake suédé égyptien de L'Attaque du métro 123. Ce n'est pas non plus le titre d'un film porno. Auquel cas il se serait vraisemblablement intitulé Les 678 Femmes du bus 69. Bref. Plus qu'une chronique sociale, c'est un film qui se veut le porte-parole d'une civilisation en proie à des doutes et à des interrogations qui ne sont pas faciles à appréhender dans leur globalité. Imaginez alors la surprise que fut ce film, pour moi qui tient en horreur les frasques néo-féministes occidentales... Ici, la réalité est tout autre. Elle est brutale, et la douleur des femmes, authentique.

Fayza est mère au foyer. Nelly, elle, est déterminée à se faire un nom dans le domaine du stand-up. Seba, enfin, est artisan, et depuis qu'elle s'est fait agressée à la suite d'un match de football, elle a décidé de donner des cours de défense à des femmes victimes de harcèlements et/ou d'attouchements. Trois femmes issues d'horizons divers, déterminées à venger leur sexe et à ne pas laisser impuni le machisme patent des hommes égyptiens.

Même si le film n'est pas exempt d'imperfections, le premier long-métrage de Mohamed Diab n'en reste pas moins ambitieux. Alors certes, il oscille entre le génie et le grotesque (j'exagère dans un sens comme dans l'autre), mais au-delà de cela, l'intelligence de l'écriture va jusqu'à pousser les personnages dans leurs derniers retranchements. Lesquels personnages ont d'ailleurs une réelle profondeur, une histoire et donc une légitimité dans ce combat. Personne n'est épargné, surtout pas les hommes, évidemment. Entre révolte et conscience pragmatique, chacun se démène comme il peut, doit concilier dignité et justice. La belle affaire ! Du reste, les événements du début de l'année 2011, plus connus sous le nom de « printemps arabe », ont ouvert une voie royale à cette production. Sans avoir l'étoffe des Chats Persans, ce genre de cinéma est néanmoins bon signe, il est nécessaire pour une prise de conscience aussi bien artistique que social et même diplomatique. Diab va par ailleurs pousser l'audace jusqu'à instiller une dose d'humour, en rupture totale avec la délicatesse et l'émotion qu'il capte à travers les gros plans.
Et puis le cinéaste ne cache pas ses influences : dans sa structure narrative, l'ombre d'Alejandro González Inárritu est omniprésente. Diab orchestre un chassé-croisé dense, en choisissant un montage épars, où chaque scène fait écho à une autre, pour faire gagner en épaisseur des personnages pris dans la tourmente et ainsi consolider la théorie chère à Inárritu qu'est celle du chaos. Enfin, remercions Diab de ne pas se limiter à une lecture strictement manichéenne de notre civilisation. Où l'on s'aperçoit donc, que la lâcheté des hommes n'a d'égale que leur vanité (bon, faut pas non plus avoir un bac+12 pour le comprendre). Et la véritable problématique du film réside dans ce qu'il y a de légitime ou non à se faire justice soi-même. En ce sens, ce sont les personnage de l'inspecteur Essam, d'Omar, de Sheriff et d'Adel (respectivement fiancé, ex et mari de Nelly, Seba et Fayza) qui, entre rudesse, lâcheté, sensibilité, fragilité aussi, répondront de la manière la plus pertinente.
Les Femmes du bus 678 feront-elles entendre leur voix plus fort qu'Une Séparation ? Inch'Allah !
FrankNF
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le 25 juin 2012

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FrankNF

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